Les marchés publics vers une ouverture souple à l'économie sociale et solidaire
Les acheteurs publics ne pourront pas échapper à la vague de l’économie sociale et solidaire. Émergeant d’une société en proie à bien des doutes politiques et sociétaux, ce type d’activité économique propose un modèle alternatif à celui du capitalisme, comme l'annonce le gouvernement.
Défini dès l’article 1er d’un projet de loi actuellement en débat devant le Parlement comme « un mode d'entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l'activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé selon les conditions cumulatives suivantes : un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ; / une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l'information et la participation, dont l'expression n'est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l'entreprise ; [...] » et le respect de principes comme une organisation de la démocratie dans l’entreprise et le réinvestissement dans l’activité des bénéfices, l’économie sociale et solidaire aura peut-être une influence sur l’achat public.
Peut-être seulement, car les débats parlementaires ont déjà conduit à la disparition de certaines dispositions du texte, qui ne comptait que deux articles à l'origine. Lors du dépôt de ce dernier devant les sénateurs par le ministre de l’Économie d’alors, Pierre Moscovici, la commande publique était régie sous deux facettes par la loi sur l’économie sociale et solidaire. Après l’examen par l’Assemblée nationale, la possibilité de réserver des marchés publics aux entreprises adaptées ou à des établissements et services d'aide par le travail qui comptent parmi leurs employés 30 % de personnes handicapées a été supprimée. Les dispositions actuellement en vigueur, qui permettent de réserver certains marchés à ces entreprises, demeurent liées au seuil de 50 % de travailleurs handicapés.
L’article le plus important du texte, qui concerne la commande publique, est conservé, mais demeure assez obscur. D’une part, il impose que les acheteurs publics, dont le volume d’achat est supérieur à un certain seuil, prévoient de recourir à des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire. Ce seuil sera défini par décret, et à ce titre, difficilement imaginable actuellement. Or, de ce seuil découle une obligation de construire un schéma de promotion des achats publics socialement responsables, qui « détermine les objectifs de passation de marchés publics comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi de ces objectifs. »
Le terme de schéma de promotion est tout à fait nouveau dans le domaine de la commande publique, mais il est utilisé ailleurs, notamment dans le domaine de la santé. L’agence régionale de Santé d’Île-de-France a par exemple mis en place un schéma de promotion de la démocratie en santé pour la période 2013-2017. Matériellement, il s’agit d’une feuille de route, fixant les grands objectifs à atteindre, sans force obligatoire.
Dans le cadre des marchés publics, il s’agira sans doute de mettre en place des clauses d’achat social et solidaire, réductibles à l’ambition d’un achat public durable.
Le texte n’aura, semble-t-il, qu’une dimension technique réduite, mais une portée politique forte. Une nouvelle fois, la commande publique ne se limite pas à un rôle de moyen pour les personnes publiques d’obtenir des prestations de qualité, mais bien d’intervenir dans l’économie pour favoriser telle ou telle initiative. Représentant au sens large 10 % du produit intérieur brut, l’économie sociale et solidaire ne pouvait sans doute pas rester en dehors de la commande publique. Reste à savoir sur quels types de marchés (hors mutuelles en particulier) la loi permettra à ces entreprises et associations de se montrer.
La seconde lecture au Sénat est prévue le 4 juin.
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