Comment ne pas neutraliser le critère du prix... ou ne pas se faire prendre !
Il résulte des termes de l’article 53 du Code des marchés publics que l’acheteur public est tenu d’attribuer le marché au candidat ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. Dans cette perspective, celui-ci peut notamment se fonder sur une pluralité de critères tels que le prix et la valeur technique de l’offre. Lorsqu’il s’agit d’établir les formules de notation de chacun de ces critères, l’acheteur public doit cependant veiller à ce que celles-ci ne conduisent pas à neutraliser l’un d’entre eux, comme le rappelle cet arrêt rendu le 8 février 2016 par la cour administrative d’appel de Paris.
En l’espèce, la commune de Lognes avait passé un marché relatif à la mise en œuvre d’un dispositif de vidéo protection urbaine pour lequel seules deux entreprises s’étaient portées candidates. La société RJ 45 Technologies, qui avait été évincée au terme de la procédure de passation, a saisi le tribunal administratif de Melun afin d’obtenir l’annulation du marché, ainsi que la réparation de son préjudice résultant de son éviction irrégulière. Le marché ayant été entièrement exécuté, le juge administratif de première instance refusa de l’annuler. Ce dernier accorda cependant à la société requérante l’indemnisation de son préjudice. La commune de Lognes choisit alors d’interjeter appel.
La cour administrative d’appel de Paris confirma toutefois le jugement rendu en première instance en estimant que la commune avait bien méconnu les principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures en fondant le critère du prix sur une formule de notation privant celui-ci de toute portée. Selon le règlement de consultation du marché, le prix des offres des candidats était effectivement noté à partir d’une formule dont l’application conduisait, en présence de seulement deux candidats, à attribuer la note maximale au candidat ayant proposé le meilleur prix, et une note nulle au candidat ayant proposé l’offre la plus chère, quel que soit l’écart de prix existant entre les offres des deux candidats.
Comme le souligne le juge administratif d’appel, une telle formule conduisait donc à neutraliser le critère du prix de l’offre et à priver de sa portée la pondération des critères du prix et de la valeur technique des offres. Dans ces conditions, le risque est alors que le marché ne soit pas attribué à l’offre économique la plus avantageuse, comme l’impose pourtant l’article 53 du Code des marchés publics. Par ailleurs, le juge administratif rejette en bloc l’argument de la commune selon lequel pareille formule ne conduisait à la neutralisation du critère prix que dans l’hypothèse où seules deux candidatures étaient présentées et qu'elle ne pouvait prévoir que tel serait le cas dans le cadre de la passation de ce marché de vidéo protection.
Cette décision rappelle ainsi que les acheteurs publics sont tenus de respecter les principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures lorsqu’ils définissent les formules de notation des critères de sélection des offres des candidats. Afin de sécuriser la passation des marchés sur ce point, il est utile de rappeler que la direction des Affaires juridiques de Bercy propose un guide sur les prix dans les marchés publics.
À toutes fins utiles également, il est notable qu’en l’espèce la commune de Lognes avait choisi de publier la formule de notation des critères de sélection des offres alors même qu’elle n’y était pas tenue (CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, no 334279). Cette décision lui a sans doute été préjudiciable dès lors que la société requérante s’est fondée sur cette formule de notation pour attaquer le marché et obtenir près de 50 000 euros de dommages et intérêts !
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