Un livre personnalisé reste un livre !
La définition de l’objet d’un marché public relève en principe du pouvoir discrétionnaire du pouvoir adjudicateur. Pour certaines prestations toutefois, des qualifications s’imposent, avec leur cortège d’obligations subséquentes. Tel est le cas pour l’achat de prestations liées à des livres, dont le département de la Loire n’avait pas pris suffisamment connaissance. Dans un arrêt rendu le 28 septembre 2016, le Conseil d’État a rappelé que l’achat d’un livre, même adapté à des besoins particuliers de l’acheteur, est soumis à la loi sur le prix unique du livre.
La loi Lang impose que le prix des livres achetés par des personnes publiques soit égal au prix de vente au public ou inférieur, avec une baisse de prix maximum de 9 %. Toutefois, le prix effectif de vente des livres scolaires peut être fixé librement dès lors que l’achat est effectué par une association facilitant l’acquisition de livres scolaires par ses membres ou, pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l’État, une collectivité territoriale ou un établissement d’enseignement. La qualification du livre acheté (scolaire ou non) est donc cruciale sur les prix des offres. Ne pas respecter ces règles conduirait l’offre à être inacceptable (selon la définition de l’offre inacceptable de l’ancien Code des marchés publics).
En l’espèce, le département de la Loire avait passé un marché pour la « conception, impression et livraison de dictionnaires destinés aux collégiens pour les rentrées scolaires 2016-2017 et 2017-2018 ». En particulier, le marché portait sur la personnalisation des première et dernière page de couverture, ainsi que de la tranche, de la mise en page et de l’illustration de 8 pages intérieures personnalisées et sur leur intégration dans ces dictionnaires. Pour le pouvoir adjudicateur, cet objet qualifiait le marché de service et non de fournitures.
Le juge du fond, confirmé par le juge de cassation, a écarté cette interprétation. Même personnalisé, un dictionnaire n’est pas un service mais une fourniture. Or, la fourniture de livres est réglementée par la loi Lang. Il a également précisé de quel type de livre il s’agit : bien que destiné à un public scolaire, un dictionnaire n’est pas un livre scolaire. Il en résulte que son prix de vente à une collectivité doit être compris entre 91 % et 100 % du prix de vente au public. L’offre retenue était inacceptable dans la mesure où elle ne respectait pas cette règle.
La procédure de passation est en conséquence annulée à compter de la phase d’analyse des offres et devra être reprise au stade de cette analyse en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
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