PPP : le projet de réforme au Royaume-Uni, des pistes pour la France ?
Même si elle est de plus en plus complétée, l’analyse de l’efficacité des partenariats publics privés français est loin d’être achevée. Cela est compréhensible : cet outil ayant été mis en place en 2004, les projets sont sortis de terre il y a peu, ce qui empêche d’avoir suffisamment de recul sur la question. Un rapport britannique permet d'y voir plus clair.
L’ordonnance de 2004 n’est pourtant pas une initiative isolée, comme en témoignent le private finance initiative (PFI) britannique de 1992 et ses émules dans les pays du Commonwealth, Australie et Canada en tête. Fort d’une vingtaine d’année d’expérience dans ce domaine, le ministère de l’Économie britannique a lancé une étude sur les qualités et les défauts du PFI.
Le constat avancé dans le rapport de décembre 2012, A new approach to public private partnerships (Une nouvelle approche des partenariats public-privé), est loin d’être surprenant : les critiques qui y sont formulées sont les mêmes que celles qui commencent à poindre en France.
Ainsi, le partenariat public-privé est critiqué sous trois angles.
Sous l’angle juridique, il est contesté pour son manque de flexibilité et de rapidité, à cause d'une mauvaise gestion des risques. Ces risques étaient essentiellement des risques dus au changement de législation (change of law risks) et aux risques venant de la gestion du service public (utilities risks). Si les risques provenant de la gestion du service public, aussi bien de la part de la personne publique que son contractant sont inhérents à ce type de contrat, les clauses qui tentaient de s’en exonérer rendent les PFI très complexes à gérer. Les difficultés à comprendre et à appliquer ces contrats de partenariat conduisaient à des retards importants aussi bien dans l’optique de la livraison de l’objet du marché que dans l’optique de son exploitation.
Sous l’angle financier, il est critiqué pour son manque de transparence. L’un des principaux avantages du contrat de partenariat pour les collectivités est de leur permettre de faire sortir de leur bilan des dettes portées par la société de projet mais réellement dues par la personne publique. Si ce mécanisme permet de présenter un ratio d’endettement plus raisonnable qu’en réalité, il laisse la porte ouverte à du passif toxique qui augmente sensiblement les risques pris par la personne publique.
Sous l’angle politique enfin, toutes ces critiques sont synthétisées dans l’idée que les administrés n’ont pas confiance en cet outil, en particulier car ils ne voient pas l'efficacité des impôts versés !
Alors que les critiques sont connues, la principale solution avancée par la direction du Trésor britannique est plus originale : l’État devient une source financement annexe du partenariat, à l’instar des banques, en prenant des parts dans les sociétés de projet, avec de multiples conséquences sur les défauts énoncés plus hauts. Présent au capital, l’État a accès aux informations souvent cachées par le voile social de la société de projet. Les chiffres recueillis pourraient ainsi être publiés au sein du whole government account, un bilan comptable reprenant les chiffres de l’État à la norme comptable internationale IFRS. La transparence en sort grandement améliorée : non seulement les chiffres sont publiés, mais ils le sont aussi dans un format et une grille de lecture accessibles à tous, depuis le futur cocontractant jusqu’à l’administré. Avec ce nouveau paradigme, une nouvelle relation aux risques est établie, ce qui permet, sur le papier, un rééquilibrage des contrats.
À la première lecture, ce rapport et les solutions qu’il propose sont séduisants. Pour autant, il paraît difficile de l’adapter au modèle français de contrat de partenariat, et cela pour au moins deux raisons. L’ordonnance de 2004 qui régit les contrats de partenariat prévoit, dans son article 14, que « le financement définitif d'un projet doit être majoritairement assuré par le titulaire du contrat, sauf pour les projets d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret ». Il est donc impossible pour une personne publique de participer au financement d’un contrat de partenariat. Seconde limite, plus importante : le principe de libre administration énoncé par l’article 72, alinéa 2 de la Constitution empêche toute tutelle de l’État ou d’une collectivité sur une autre. Or, le modèle britannique, en cela qu’il donne à l'État la capacité de publier les chiffres et d’influer au stade de l’exécution du contrat, pèse sur la libre administration.
Mais si la solution la plus radicale avancée dans le rapport est à écarter, ou du moins à repenser sous l’égide du service public français, d’autres solutions d’une moindre envergure peuvent être appliquées assez vite. Le Trésor britannique souligne qu’une des principales sources de déséquilibre du contrat de partenariat est l’ajout de services qui devraient plutôt être fournis de manière indépendante, donc par la voie de marchés publics allotis. Ces services sont répartis en trois groupes : les petits marchés (soft services, qui regroupent les marchés de blanchisserie, de nettoyage ou encore de gardiennage), les services relevant des prestations financières et juridiques (management services, comme les assurances) et d’autres services comme les prestations informatiques, la réception et la téléphonie. De cette manière, la personne publique exclut de son contrat des sources de risques, tout en profitant au maximum d’une mise en concurrence accrue. Avec ces contrats, exclus du contrat de partenariat, mais qui continuent à lui faire escorte, l’efficacité, la rentabilité et la transparence d’un tel outil contractuel ne peuvent que s’améliorer.
Sources :