Allotissement : le pouvoir adjudicateur peut limiter le nombre de lots par candidat

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Le Conseil d’État a indiqué, dans un arrêt du 20 février, que le pouvoir adjudicateur était autorisé à limiter le nombre de lots attribués aux candidats d’un même marché. Il a ajouté que le choix de limiter l’attribution de lots à un seul par candidat faisait partie des modalités d’attribution et ne devait pas être considéré comme un critère de jugement des offres. Ce possibilité peut, au premier abord, apparaître comme contraire au principe de libre accès des candidats à la commande publique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d’État a été saisi.

Le marché mis en cause faisait suite à une consultation lancée par le ministère de la Justice et avait pour objet l'analyse de prélèvements biologiques effectués sur les individus aux fins d'enregistrement de leur profil génétique dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Les treize laboratoires agréés pour ce type de travail ont été informés de la procédure : le marché était divisé en trois lots géographiques et les documents de la consultation précisaient que les soumissionnaires ne pouvaient se voir attribuer plus d’un lot. L’un des laboratoires a donc saisi le juge sur cette question et le tribunal administratif de Paris a annulé la procédure.

Mais pour le Conseil d’État, l’annulation de cette procédure était une erreur, car le fait de limiter le nombre de lots attribués à chaque candidat permet de « mieux assurer la satisfaction de ses besoins en s'adressant à une pluralité de cocontractants ou de favoriser l'émergence d'une plus grande concurrence ». Cela n’est donc pas incompatible avec les règles de la commande publique. Par ailleurs, le tribunal administratif a commis une erreur de droit puisqu’il a estimé que le fait de limiter le nombre de lots par candidats était un « critère de jugement des offres », alors que pour le Conseil d’État il ne s’agit que des « modalités d’attribution ». Autrement dit, les candidats ne sont pas jugés sur le fait qu’ils ne proposent une offre que pour un seul lot. Cette répartition appartient au pouvoir adjudicateur.

Le Conseil d’État ajoute que « dans l'hypothèse où le pouvoir adjudicateur autorise la présentation d'une candidature pour un nombre de lots supérieur à celui pouvant être attribué à un même candidat, les documents de la consultation doivent en outre indiquer les modalités d'attribution des lots, en les fondant sur des critères ou règles objectifs et non discriminatoires, lorsque l'application des critères de jugement des offres figurant dans ces mêmes documents conduirait à classer premier un candidat pour un nombre de lots supérieur au nombre de lots pouvant lui être attribués ». Dans un marché limitant l’attribution des lots, il demeure donc possible pour les candidats d’en obtenir plusieurs.

La position du Conseil d’État se comprend car l’un des objectifs de l’allotissement est de favoriser une plus grande concurrence entre les entreprises en permettant notamment aux plus petites d’accéder à la commande publique, ce que rappelle la direction des Affaires juridiques du ministère de l’Économie dans sa fiche pratique sur l’allotissement. La limitation du nombre de lots attribués aux candidats va dans ce sens. À noter également que la circulaire du 14 février 2012 relative au Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics indique que le pouvoir adjudicateur peut, dans les documents de la consultation, interdire à un candidat de présenter une offre pour plusieurs lots.

Cependant, les projets de directives européennes sur les marchés publics se montrent ambigus sur cette question. Ils prévoient clairement que le pouvoir adjudicateur est autorisé à limiter le nombre de lots attribués à chaque candidat. Mais ils ajoutent que plusieurs lots d’un marché peuvent être attribués au même soumissionnaire – même s’il n’est pas le mieux classé pour chacun des lots – à condition qu’il remplisse mieux les critères d’attribution retenus pour l’ensemble des lots. Ce qui signifie là encore qu'une telle limitation n'est pas contraire aux principes de la commande publique, mais qu'elle ne doit pas être la seule option.

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