Clap de fin pour la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics (MIEM)
Malgré un parcours législatif prolongé, la loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des procédures administratives a finalement été publiée au Journal officiel du 23 mars 2012. Cette quatrième loi de simplification des procédures, élaborée par le président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, contient plusieurs mesures intéressant les marchés publics, dont la suppression de la Mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics (MIEM).
En définitive, ce ne sera donc pas le relèvement du seuil des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence à 15 000 € qui impactera la commande publique. Inscrite à l'article 118 de la loi, cette mesure a été prise de court par un décret publié le 11 décembre 2011 au Journal officiel. Pour Jean-Luc Warsmann, tout comme pour la direction des Affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Économie, l'inscription de ce nouveau seuil dans la loi représente néanmoins une sécurité juridique supplémentaire, destinée à éviter une nouvelle censure de la part du Conseil d'État.
La loi signe en effet la fin de la Mission interministérielle sur les marchés publics et les conventions de délégation de service public. Une instance peu connue du grand public, qui a été créée par la loi du 3 janvier 1991 pour succéder à la Brigade interministérielle d'enquêteurs mais n'exerce plus aucune activité depuis 2006. Ses missions consistaient à vérifier les conditions de régularité et d'impartialité dans lesquelles sont préparés, passés ou exécutés les marchés publics.
Dans son rapport, réalisé au nom de la Commission des lois de l'Assembée nationale et déposé le 5 octobre 2011, le député Étienne Blanc constate que, malgré les pouvoirs d'investigation dont elle dispose, entre 1992 et 2002, la MIEM « n’a pas conduit plus d’une dizaine d’enquêtes par an ». « La pénalisation systématique des enquêtes auxquelles elle se livrait a détourné de la MIEM ceux qui souhaitaient y voir un expert plutôt qu’un censeur. Le nombre des saisines s’est ainsi effondré à partir de 1995 », conclut le rapporteur.
Aujourd'hui, le rôle de conseil initialement dévolu à la MIEM est assumé par la DAJ du ministère de l'Économie, par la direction générale des Collectivités locales (DGCL) du ministère de l’Intérieur, ainsi que par la commission consultative des marchés publics (CCMP), « dont la compétence a été élargie en 2009 aux collectivités territoriales », rappelle Étienne Blanc. Quant aux missions d'enquêtes sur la violation des règles de procédure dans la passation des marchés publics, elles ont été transférées à la brigade centrale de lutte contre la corruption, créée au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Vidée de sa substance, la MIEM n'a plus de raisons d'exister et sa suppression mentionnée à l'article 112 de la loi Warsmann 4 semble donc logique.
En France, le contrôle de la régularité des marchés publics est par ailleurs assuré par le juge administratif qui dispose de pouvoirs d'annulation des marchés irréguliers ainsi que de pouvoirs de sanction financière. Mais dans le cadre de la révision des directives européennes sur les marchés publics, la Commission envisage de créer une nouvelle instance de contrôle des marchés. Il s'agirait d'un organe indépendant unique auquel les pouvoirs adjudicateurs auraient l'obligation de transmettre les marchés au-delà d'un certain seuil. Il pourrait alors saisir la justice en cas de fraude, d'infraction, de conflit d'intérêt ou de corruption.
Cette mesure n'est pas du goût de la direction des Affaires juridiques du ministère de l'Économie, qui estime inutile d'avoir une instance de contrôle supplémentaire. Les sénateurs, relativement critiques vis-à-vis des propositions de révision des directives, ne voient pas non plus d'un bon œil la création d'un organe de contrôle européen. Ils estiment, dans leur résolution adoptée le 13 mars, qu'en France « cet organe hybride, mi-administratif, mi-judiciaire, détonnerait dans le paysage institutionnel ».
Les sénateurs jugent que le système français est aujourd'hui suffisament contrôlé : « Les recours contentieux et précontentieux sont efficaces ». Ils formulent alors une proposition : « Chaque État membre pourrait, avec l'accord de la Commission, choisir une autre formule mieux adaptée à sa situation ». Au niveau européen, le contrôle de la régularité des marchés doit-il faire preuve de plus de souplesse ? C'est en tout cas l'avis du Sénat.
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