Dialogue compétitif, bons de commande et tranches conditionnelles : le Conseil d’État valide un montage complexe !
Dans un arrêt du 11 mars 2013, le Conseil d’État a donné raison à l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) qui avait lancé une procédure de dialogue compétitif en prévoyant des tranches conditionnelles mises en œuvre sous forme de bons de commande. Explications sur le fonctionnement et la validité de ce marché complexe.
L'ACFCI, agissant pour le compte des établissements relevant du réseau des chambres de commerce et d'industrie, avait lancé une procédure de dialogue compétitif en vue de l'attribution d'un marché de services. Celui-ci était composé de deux lots : le premier concernait l'assurance collective en matière de prévoyance, et le second, les frais de soins de santé des personnels des chambres de commerce et d'industrie, des « entités liées », et de leurs ayants droit. L'un des candidats, ayant vu son offre rejetée, a porté l'affaire devant le juge.
Le Conseil d’État rappelle dans un premier temps que la procédure de dialogue compétitif permet aux candidats admis à y participer de dialoguer avec le pouvoir adjudicateur « en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins », avant de remettre une offre (CMP, art. 36). Cette solution est appropriée lorsqu'un marché public est considéré comme complexe. Dans ce cas précis, le marché avait pour objectif d'harmoniser pour la première fois les garanties d'assurance collective en matière de prévoyance et de frais de soins de santé, couverts par de nombreux contrats et à des dates d'échéance différentes. Le marché peut donc bien être considéré comme complexe et répondant aux conditions de l'article 36 du Code des marchés publics, a jugé le Conseil d’État, car l'ACFCI n'était pas « objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ».
Mais la véritable nouveauté dans ce marché consiste à prévoir, à l'issue du dialogue compétitif, des tranches fermes et des tranches conditionnelles pouvant donner lieu à l'émission de bons de commande. Pour le Conseil d’État, aucune disposition du Code des marchés publics n'interdit cette pratique, dès lors que les conditions du recours aux bons de commande, définies à l'article 77 du Code, sont respectées.
Rappelons que l'exécution d'un marché en tranches fermes et conditionnelles concerne les opérations importantes dont le financement global n'est pas prévu dans sa totalité. Le « découpage en tranches » permet l'établissement d'un plan de financement sur le long terme, lorsque le pouvoir adjudicateur ne peut définir l'étendue des besoins à satisfaire. Quant aux bons de commandes, ils sont utilisés par le pouvoir adjudicateur dans le cas où celui-ci ne peut lister précisément les services ou les fournitures dont il a besoin. L'émission d'un bon de commande ne nécessitant pas de remise en concurrence, il permet au pouvoir adjudicateur d'adapter sa commande en fonction de ses besoins.
En faisant usage des tranches donnant lieu à l'émission de bons de commande, il semble que l'ACFCI a voulu se ménager une marge de manœuvre la plus large possible quant à la gestion de son marché. Jugé suffisamment complexe pour bénéficier du dialogue compétitif, ce contrat demeure imprécis sur l'étendue des besoins du pouvoir adjudicateur ainsi que sur le détail des prestations dont ce dernier aura besoin. La combinaison des tranches et des bons de commande est sans doute rare mais, en l'espèce, elle est autorisée par le Conseil d’État. Les juges ont sans doute estimé la mission de refonte des contrats de protection santé, dans un contexte de réforme du réseau consulaire, suffisamment complexe pour ne pas s'opposer à cette procédure originale.
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