Le Sénat fait un pas vers la réforme de la prise illégale d'intérêt

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Une bonne nouvelle en vue pour les élus ? L'adoption à l'unanimité par les sénateurs de la proposition de loi réformant la prise illégale d'intérêt, jeudi 24 juin, annonce une volonté de définir plus strictement cette infraction. Donc de restreindre son champ d'application et d'alléger les risques juridiques qui pèsent sur les élus locaux, malgré les réticences manifestées par le Gouvernement.

À ce jour, l’élu local qui est chef d’entreprise ne peut voir son entreprise, ou celle de son épouse ou de son fils, participer à un appel d’offres lancé par sa collectivité, sauf cas dérogatoire prévu à l’article 432-12 du Code pénal. Cette interdiction est accentuée par le fait que la jurisprudence tend à retenir une définition très large de « l'intérêt », celui-ci pouvant être purement moral (Cass. Crim., 3 mai 2001, Ponzo Lucienne, n° 0082880).

En effet, l’article 432-12 du Code pénal définit aujourd'hui la prise illégale d'intérêt en ces termes : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique […] de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 € d'amende ».

La proposition de loi prévoit dans son article unique de remplacer les termes « un intérêt quelconque » par « un intérêt personnel distinct de l'intérêt général ». Objectif : recentrer le champ de la prise illégale d'intérêt, jugé « trop général » par Bernard Saugey, sur les actes réellement malhonnêtes. En cause notamment, une jurisprudence de la Cour de cassation du 22 octobre 2008 qui a condamné à de fortes amendes un maire, des adjoints et des conseillers municipaux, présidents d'associations ayant bénéficié de subventions de leur commune.

Selon Bernard Saugey, cette jurisprudence a conduit de nombreux élus à se retirer des instances associatives par peur d'une condamnation. « Cette jurisprudence a conduit en réalité à l'inverse de l'objectif recherché, en excluant le nécessaire contrôle par les élus des activités d'intérêt général des associations subventionnées », indique-t-il dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi.

En distinguant la notion d'« intérêt personnel » de celle d'« intérêt général », la loi cherche à « sanctuariser le devoir de probité », a avancé la sénatrice Anne-Marie Escoffier lors de la discussion générale du texte au Sénat. Mais si les sénateurs se sont prononcés en faveur de la proposition de loi, le secrétaire d'État à la Justice, Jean-Marie Bockel, estime qu'il y a « matière à débat ».

Il estime que la nouvelle définition de la prise illégale d'intérêt pourrait « être perçue comme floue » par les Français. Le secrétaire d'État a insisté sur la nécessité que le contenu de la loi soit bien compris par l'opinion publique, mais aussi au niveau européen et international. La France s'est engagée sur « ces objectifs de probité, de transparence et de clarté », a rappelé Jean-Marie Bockel. Mais après les débats en commission des lois, le secrétaire d'État a indiqué que « le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat ». Une première étape a été franchie jeudi 24 juin en première lecture. Le texte est maintenant entre les mains des députés.

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