L'offre économiquement la plus avantageuse est librement définie par l'acheteur, rappelle la CJUE !
Dans un arrêt rendu le 26 mars 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé la liberté du pouvoir adjudicateur en matière de choix des critères de sélection des offres. La notion d'« offre économiquement la plus avantageuse » est bien à la discrétion de l’acheteur.
L’association entrepreneuriale de la région de Santarém, au Portugal, avait lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la passation d’un marché public de fourniture de services de formation et de conseil. Suite au rejet de sa candidature, la société Ambisig avait alors saisi le juge administratif portugais afin d’obtenir l’annulation du marché. Selon elle, l’un des sous-critères d’évaluation des offres était illégal au regard du Code des marchés publics portuguais (Código dos Contratos Públicos – CCP). Le pouvoir adjudicateur avait en effet choisi de recourir à des sous-critères portant sur des caractéristiques des soumissionnaires qui étaient sans lien avec l’objet du marché, cela contrairement à ce qu’imposait la lettre de l’article 75, paragraphe 1, du CCP. Le juge administratif de première instance rejeta cependant le recours formé par la société. Le jugement fût ensuite confirmé par la juridiction administrative d’appel, celle-ci estimant que le sous-critère litigieux n’entrait pas en contradiction avec les dispositions du CCP. La société Ambisig décida alors de former un pourvoi devant le juge de cassation portugais.
Dans ce contexte, la haute juridiction administrative portugaise choisit de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, cela afin de savoir si la directive 2004/18/CE s’opposait à ce que soit établi, par le pouvoir adjudicateur, un critère d’attribution permettant d’évaluer les qualités des équipes concrètement proposées par les soumissionnaires pour l’exécution du marché, ce critère tenant compte notamment de la constitution de l’équipe, de son expérience et du cursus de ses membres.
Il résulte effectivement des dispositions de l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2004/18/CE, que les critères de sélection des offres doivent être liés à l’objet du marché (voir en ce sens CJUE, 10 mai 2012, Commission c/ Pays-Bas, aff. C-368/10). Dès lors, le recours à des sous-critères autres que ceux susceptibles d’identifier l’offre économique la plus avantageuse constitue donc un moyen de nullité invocable à l’encontre de la procédure de passation d’un marché public.
La Cour de justice de l’Union européenne refuse cependant de considérer le sous-critère litigieux comme contraire aux dispositions de la directive 2004/18/CE. Celle-ci rappelle tout d’abord que l’article 53 de ladite directive offre une certaine marge d’appréciation aux pouvoirs adjudicateurs, cela dans la mesure où l’offre économiquement la plus avantageuse doit être appréciée de leur point de vue.
Ensuite, le juge de l’Union précise aussi que la prise en compte du « meilleur rapport qualité/prix » dans la recherche de l’offre économiquement la plus avantageuse est également de nature à renforcer le poids de la qualité dans les critères d’attribution des marchés publics. La Cour de justice ajoute enfin que les critères permettant aux pouvoirs adjudicateurs d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse ne sont pas limitativement énumérés par l’article 53 de la directive 2004/18/CE. Ces derniers ont donc la possibilité de déterminer de nouveaux critères à la condition qu’ils soient en lien avec l’objet du marché.
Or, s’agissant du sous-critère litigieux, la composition de l’équipe, la Cour de justice estime que la qualité de l’exécution d’un marché public peut dépendre de manière déterminante de la valeur professionnelle des personnes chargées de l’exécuter au regard de leur expérience et de leur formation. Cela est notamment le cas dans le cadre d’un marché de fourniture de services de nature intellectuelle tels que ceux envisagés en l’espèce.
L’article 75 du code portugais n’est ainsi pas contraire au droit de l’Union, à la condition d’être interprété dans ce sens. Par conséquent, le sous-critère choisi en l’espèce par le pouvoir adjudicateur est conforme à l’article 53 de la directive 2004/18/CE. Eu égard à la nature du marché, le pouvoir adjudicateur pouvait effectivement recourir à critère permettant d’évaluer la qualité des équipes concrètement proposées par les soumissionnaires pour l’exécution de ce marché.
La question de la latitude laissée au pouvoir adjudicateur dans la définition de l’offre économiquement la plus avantageuse peut être transposée en droit français. L’article 53 du Code des marchés publics retient également cette notion, laissant une grande liberté d’action au pouvoir adjudicateur pour définir ce qu’il attend des candidats. Si cette notion n’est pas sans contrôle, le contentieux sur les critères et sous-critères de sélections des candidatures et des offres le montre, le juge doit toutefois respecter le choix de l’acheteur dans le fait de valoriser tel ou tel élément de la qualité ou le prix.
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