Marchés de fournitures : attention à la responsabilité pour vices cachés !
Acheteurs, vous pouvez engager la responsabilité du titulaire d'un marché de fournitures en cas de vice caché ! Dès lors qu'un acheteur public engage un recours en référé afin d'obtenir une expertise sur le matériel mis en cause, il interrompt alors « le bref délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés, et fait courir le délai de prescription de droit commun ».
Que signifie cette décision du Conseil d'État en date du jeudi 7 avril ? Il faut, pour la comprendre, revenir un peu en arrière. Si la notion de vice caché est familière aux vendeurs, son usage n'a été confirmé que récemment dans le domaine des marchés publics.
On appelle un « vice caché » tout défaut qui rend la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine. Et c'est l'arrêt n° 291539 du 24 novembre 2008, Centre hospitalier de la région d'Annecy, qui a confirmé la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d'engager une action en garantie des vices cachés contre le titulaire d'un marché de fournitures. Seule condition : engager l'action en garantie des vices cachés dans un « bref délai », au sens de l'article 1648 du Code civil.
Cette action en garantie permet à l'acheteur, sur les fondements de l'article 1645 du Code civil, d'obtenir le remboursement du prix du marché ainsi que des dommages et intérêts. Dans l'affaire examinée par le Conseil d’État, le centre hospitalier de Castellucio avait acheté un véhicule de transport en avril 2004 à la société Ajaccio Diesel. En septembre 2007, le centre hospitalier a constaté des vices « qui ont conduit à immobiliser le véhicule ».
Il a saisi alors le tribunal administratif de Bastia d'une demande de référé expertise le 15 janvier 2008, puis d'une demande de référé provision le 15 juin 2009. Le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a condamné la société Ajaccio Diesel à verser au centre hospitalier une provision de 31 720 €. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel exercé par Ajaccio Diesel contre cette décision.
Dans son arrêt n° 344226, le Conseil d’État confirme sur le fond la décision des juges administratifs, tout en pointant cependant une « erreur de droit » commise par la cour administrative d'appel de Marseille et le tribunal administratif de Bastia. Il faut en effet savoir que l'article 1648 du Code civil a été modifié en 2005 et que la notion de « bref délai » a été remplacée par « un délai de deux ans ». Les deux juridictions s'étaient appuyées sur cette nouvelle version du code, alors qu'elle ne s'applique qu'aux contrats conclus après 2005, ce qui n'est pas le cas dans cette affaire.
Par ailleurs, la décision du Conseil d’État apporte une nouvelle précision par rapport à l'arrêt Centre hospitalier de la région d'Annecy. Le centre hospitalier de Castellucio ayant saisi la juridiction administrative d'une demande de référé expertise, cette demande « a interrompu le bref délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés, et a fait courir le délai de prescription de droit commun », indique le Conseil d'État. La société Ajaccio Diesel ne peut donc soutenir que la plainte de l'acheteur était tardive, puisque c’est le délai de droit commun qui s’applique. Elle est donc tenue de le dédommager, conformément aux dispositions du Code civil.
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