Pas d'obligation préalable d'information concernant les prix pratiqués par le précédent titulaire d'un marché
Le pouvoir adjudicateur n'a pas d'obligation de communiquer au titulaire d'un marché qui n'en a pas fait la demande les prix pratiqués par l'ancien titulaire de ce même marché. C'est ce qu'a affirmé la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 30 octobre 2012.
Le litige oppose la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Pau-Béarn à la société Agence européenne de communication publique (AECP), qui assure la régie publicitaire de son magazine économique intitulé « Dynamiques ». Cette société était chargée, par le marché dont elle a été attributaire, de rechercher des annonceurs, de préparer la mise en page des encarts publicitaires pour les insérer dans le magazine et de facturer le prix des espaces publicitaires. Conformément aux termes du marché, l'AECP devait ensuite verser à la CCI de Pau-Béarn 55 % du montant des recettes publicitaires obtenues.
Or, la société a constaté que le précédent titulaire de ce marché pratiquait des prix inférieurs aux siens pour la vente des espaces publicitaires. Elle avançait que, compte tenu des contrats en cours avec les annonceurs, elle n'avait pas pu appliquer les tarifs qu'elle aurait souhaité, « ce qui ne lui a pas permis d'atteindre les objectifs financiers qu'elle visait ». Elle a donc saisi le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel, demandant la réparation du préjudice financier lié à un manque d'information lors de la passation du marché.
La cour a rappelé qu' « aucun principe général, ni aucune disposition du Code des marchés publics ne fait obligation à une collectivité publique de porter à la connaissance des candidats à l'attribution d'un marché public les éléments tarifaires pratiqués par l'ancien titulaire du marché ». Une remarque qui peut paraître surprenante au premier abord, puisque la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) indique clairement parmi la liste des documents communicables dans le cadre d'un marché « l'offre de prix globale ou décomposition des prix globaux forfaitaires » d'une société attributaire d'un marché public.
Cependant, la cour d'appel précise qu'« il ne résulte pas de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie aurait refusé de faire droit à une demande présentée par la société requérante pour connaître les précédentes conditions d'exécution du marché de la régie publicitaire ». Autrement dit, ce n'est pas au pouvoir adjudicateur de communiquer spontanément les informations relatives aux prix pratiqués par le précédent titulaire. En revanche, il n'aurait pas eu le droit de lui refuser ces informations, si elles lui avaient été demandées. « En outre, en tant que professionnel, il appartenait à la société, qui a déjà obtenu de nombreux marchés similaires, de rechercher toutes les informations techniques et financières utiles pour éclairer son analyse avant de remettre son offre ». C'est donc au candidat de faire la démarche de recherche d'informations concernant les prix.
À savoir aussi que le libre accès aux documents administratifs d'un marché public peut être limité par l’appréciation du secret en matière commerciale et industrielle. Un pouvoir adjudicateur peut donc, dans certains cas, refuser de communiquer certaines informations relatives aux prix d'un marché. Dans une fiche pratique consacrée à la communication des documents administratifs en matière de commande publique, le ministère de l'Économie indique ainsi que le secret des stratégies commerciales est protégé. « Sont ici visées les informations sur les prix et les pratiques commerciales telles que la liste des fournisseurs, le montant des remises consenties [...] », précise Bercy.
De plus, « dans certaines circonstances particulières, la communication de documents qui, à l’ordinaire, serait autorisée, peut être réduite, voire refusée dans un souci de garantir le respect de la libre concurrence ». Le droit à la communication de certains documents d'un marché public demeure donc soumis à appréciation et, en tout état de cause, ne crée pas systématiquement d'obligations pour le pouvoir adjudicateur.
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