Recours à la certification dans les marchés publics : les juges de l'Union présentent leur feuille de route
Par une décision rendue le 17 février 2017, le Tribunal de l’Union européenne a eu l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles les acheteurs publics pouvaient imposer aux candidats à un marché de fournir un ou plusieurs certificats d’aptitude pour prouver leur capacité à réaliser les prestations envisagées.
Conformément à l’article 58 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, les acheteurs publics ne peuvent en effet exiger que des moyens de preuve propres à garantir qu’un candidat dispose notamment des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour l’exécution du marché à attribuer. Cette condition, reprise à l’article 51 de l’ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015, implique donc pour l’acheteur public de vérifier que la fourniture d’un certificat d’aptitude permet non seulement de garantir le respect des spécifications techniques du marché, mais aussi que la certification requise n’est pas disproportionnée au regard des prestations envisagées. C’est justement à propos de cette condition de proportionnalité que la décision rendue le 17 février dernier par le Tribunal apporte des précisions intéressantes pour la sécurité des procédures de passation impliquant la fourniture de ces certificats d’aptitude.
En l’espèce, l’Agence européenne des médicaments (EMA) avait passé un accord-cadre relatif à la fourniture de services pour le traitement de ses transactions en ligne. Au moment de la passation de l’un des marchés subséquents, celle-ci avait requis la présentation d’un analyste des systèmes de gestion disposant d’une certification « Prince2 », ainsi que d’un certain niveau d’expérience de ce dernier quant à la pratique de la méthode dite « Prince2 ».
À la suite du rejet de l’ensemble des analystes proposés au motif qu’ils ne satisfaisaient pas cette double exigence, le titulaire de l’accord-cadre avait saisi le Tribunal aux fins d’obtenir l’annulation de cette décision et le versement de dommages et intérêts. Celui-ci estimait effectivement que cette double exigence imposée par l’EMA méconnaissait le principe de proportionnalité en vertu duquel les actes des institutions de l’Union ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.
Tel ne fût cependant pas l’avis du Tribunal qui refusa de voir en cette double exigence relative à la certification « Prince2 » une quelconque violation du principe de proportionnalité tel que consacré par l'article 5 du Traité sur l'Union européenne (TUE). Or, l’analyse des motifs de rejet des différents arguments soulevés par le titulaire de l’accord-cadre illustre bien la marge de manœuvre dont disposent les acheteurs publics lorsqu’ils choisissent de recourir à la certification.
Tout d’abord, peu importait que la fourniture d’un certificat ne concernait que la méthode « Prince2 », et non l’ensemble des qualifications exigées par l’EMA, dès lors que cette méthode était considérée comme primordiale pour le profil de l’analyste recherché.
Ensuite, l’exigence du certificat « Prince2 » n’était pas rendue superfétatoire par le seul fait que les analystes proposés devaient également justifier d’une certaine expérience dans la pratique de la méthode « Prince2 ». Comme le relèvent les juges de l’Union, cette double exigence avait en effet pour objet d’établir à la fois les compétences pratiques mais également théoriques des analystes proposés.
Par ailleurs, le titulaire de l’accord-cadre ne pouvait pas non plus arguer du fait que d’autres organismes de l’Union n’estimaient pas nécessaire la fourniture d’un tel certificat lorsqu’une expérience en rapport avec la méthode « Prince2 » pouvait être établie par les candidats. Cet argument n’avait effectivement pas la moindre incidence dans la mesure où le besoin de l’EMA ne pouvait pas être comparé aux besoins d’autres organismes de l’Union.
Enfin, le requérant ne pouvait pas plus soutenir qu’en imposant cette double exigence relative à la qualification « Prince2 », l’EMA avait procédé à une modification substantielle de l’accord-cadre. D’une part, le contrat faisait effectivement référence au certificat « Prince2 » à titre d’exemple des certifications susceptibles d’être exigées. D’autre part, il était expressément envisagé la possibilité pour l’EMA de modifier le profil des techniciens recherchés afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque marché subséquent.
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