Délibération illégale de la commission d'appel d'offres et annulation du contrat

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Le 28 janvier 2013, le Conseil d’État a réaffirmé qu’une délibération de la commission d’appel d’offres qui n’était plus compétente, en plus d’être illégale, risquait d’entraîner l’annulation du contrat. Cette décision met en lumière un lien contentieux complexe entre les actes détachables et les contrats, qui mérite d’être examiné à cette occasion.

La conclusion d’un marché public est le fruit d’une succession d’étapes formalisées. Le déclenchement du processus de choix n’est cependant pas purement contractuel : il s’agit de la volonté de la personne publique de recourir à un marché public pour répondre à l'un de ses besoins. Cette volonté se matérialise par une discussion de l’assemblée délibérante de la collectivité ou de l’établissement public. Étant un acte détachable du contrat, elle peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, ouvert aux tiers, mais elle reste liée au contrat. En substance, l’acte administratif est attaqué et, s’il est annulé, il peut entraîner le contrat dans sa chute.

Le Conseil d’État a récemment précisé les effets de l’annulation de l’acte détachable sur le contrat, sous deux influences : la première se traduit par le fait que le juge de l’excès de pouvoir peut, en vertu des articles L. 911-1 et suivants du Code de justice administrative, émettre une injonction pour que le juge du contrat prenne en considération l’annulation de l’acte détachable ; la seconde influence est celle des jurisprudences Béziers, qui donnent le pouvoir au juge de moduler les effets de l’annulation du contrat.

Dans un arrêt remarqué du 21 février 2011 (Société Ophrys, n° 337349), le Conseil d’État a synthétisé ces deux mouvements en affirmant que le juge du recours pour excès de pouvoir peut utiliser ses pouvoirs d’injonction, ce qui impose au juge de l’exécution (le juge du contrat) d’appliquer les règles issues de la jurisprudence Béziers. Dès lors, selon la gravité de l’illégalité de la délibération, le juge du contrat a la possibilité de conserver le contrat avec ou sans régularisation, de le résilier avec ou sans délai ou de l’annuler.

Tel est le contexte de la décision rendue le 28 janvier 2013 par le Conseil d’État. En l'espèce, le juge était saisi en appel du juge de l’excès de pouvoir qui avait annulé un acte détachable d’un marché public de travaux. En effet, la décision de recourir à un marché public avait été prise sur deux mandats de conseiller communautaire : la procédure de passation avait été lancée à la fin des mandats des élus locaux désignés pour siéger à l’assemblée délibérante du pouvoir adjudicateur et la décision de conclure le contrat l’avait été au début du nouveau mandat.

Pour le Conseil d’État, depuis  un arrêt du 23 décembre 2011 (Syndicat intercommunal de distribution d'eau du Nord, n° 348647), la situation de transition entre deux assemblées délibérantes ne donne à cet organe (et à ceux qui s’y rattachent comme la commission d’appel d’offres) que le pouvoir de gérer les affaires courantes, ce qui n’inclut pas l’attribution d’un marché. Cette jurisprudence sert de fondement à la décision du 28 janvier 2013 : « Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale, à la suite du renouvellement général des conseils municipaux des communes membres de cet établissement, ne peut que gérer les affaires courantes jusqu'à l'installation du nouvel organe délibérant issu de ce renouvellement ; qu'il en va de même de la commission d'appel d'offres antérieurement désignée, qui ne peut, en conséquence, procéder à l'attribution d'un marché excédant, en raison du coût, du volume et de la durée des travaux prévus et en l'absence d'urgence particulière s'attachant à sa réalisation, la gestion des affaires courantes ».

Le vice est suffisamment grave pour conduire à l’annulation de la décision d’attribution, sauf si la commission d’appel d’offres issue de la nouvelle assemblée délibérante régularise la situation en prenant une nouvelle délibération.

L’intérêt de l’arrêt tient aussi à la conjonction entre la jurisprudence Syndicat intercommunal de distribution d’eau du Nord et la jurisprudence Ophrys.  En effet, le Conseil d’État enjoint le pouvoir adjudicateur de remettre de l’ordre dans sa procédure de passation en régularisant la délibération de la commission d’appel d’offre. À défaut de cette solution heureuse, que n’avait pas retenue, à tort, la cour administrative d’appel, les parties au contrat devront le résilier d’elles-mêmes. Sinon, le juge du contrat le fera sous la pression de l'injonction.

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