Des contrats de maîtrise d’œuvre aux allures d’ordres hiérarchiques
Longtemps imprécise, la relation des vérificateurs des monuments historiques (VMH) avec l’État et ses opérateurs tend à se clarifier. Bien que le statut de fonctionnaire de ces « économistes de la construction » ne soit plus à prouver, le Conseil d’État est venu préciser dans une décision rendue le 17 octobre 2016 que les actes conclus à titre onéreux par le Centre des monuments nationaux (CMN) avec un VMH constituent des contrats de maîtrise d’œuvre et non des ordres donnés par l’État.
Fin 2009-début 2010, le CMN confie par actes d’engagement à un groupement composé d’un architecte en chef des monuments historiques (ACMH) et d’un VMH plusieurs missions portant sur la maîtrise d’œuvre de la restauration de verrières de la Sainte-Chapelle de Paris ainsi que de la restauration et de la repose de la statue de l’archange saint Michel sise sur son faîte.
Notifiant à l’ACMH, mandataire du groupement, la résiliation des marchés au motif qu’il a atteint la limite d’âge prévue par son statut, l’établissement public s’attire les foudres du VMH réclamant paiement des sommes qui lui seraient dues au titre d’ordres hiérarchiques émis par l’État et dont le retrait constituerait une illégalité.
Le Conseil d’État écarte d’abord les conclusions indemnitaires formulées par le VMH à l’encontre du CMN. D’une part, elles ne font pas état, contrairement à celles adressées à l’État, d’un retrait de décisions unilatérales créatrices de droit, mais se placent sur le terrain du droit des marchés publics. D’autre part, l’absence du mémoire en réclamation préalable du requérant n’a pas à faire l’objet d’une invitation à régulariser par le juge, cette obligation étant prévue par les dispositions de l’article 40-1 du CCAG-PI ancienne version (la nouvelle ne prévoyant qu’une lettre de réclamation).
Il rappelle ensuite que, malgré la particularité de leur forme de rémunération liée aux usages de leur profession, les VMH sont des fonctionnaires. L’existence d’un tel corps a déjà été consacrée en 2011 (CE, 18 février 2011, M. Asselin et autres, no 330349), par référence aux dispositions d’un décret de 1908 alors en vigueur ; les VMH seront intégrés au sein du corps des techniciens des services culturels et des Bâtiments de France en 2012.
La qualité de fonctionnaire des VMH et la définition réglementaire du forfait de leurs honoraires ne signifient pas pour autant que les actes par lesquels un établissement public s’engage avec l’un d’entre eux ne puissent être des marchés publics.
Confirmant les juges du fond, le Conseil d’État analyse ces engagements conclus à titre onéreux comme étant des contrats de maîtrise d’œuvre passés par le CMN en tant que maître d’ouvrage des travaux réalisés sur les monuments nationaux et qui, de surcroît, peuvent faire l’objet des dérogations aux principes de publicité préalable et de mise en concurrence prévues à l’article 35-II-8° du Code des marchés publics de 2006.
Tandis que du haut de la Sainte-Chapelle, l’archange saint Michel patiente encore pour peser les âmes faute de Jugement dernier, le vérificateur de sa restauration n’échappera pas au dernier « jugement » du Conseil d’État qui a conclu au rejet de son pourvoi.
Sources :
- CE, 17 octobre 2016, M. B… C…, no 389131
- CE, 18 février 2011, M. Asselin et autres, no 330349, 330350
- Code des marchés publics, art. 35-II-8°
- Décret no 2012-229 du 16 février 2012 portant statut particulier du corps des techniciens des services culturels et des Bâtiments de France
- Décret du 22 mars 1908 relatif à l’organisation du service d’architecture des bâtiments civils et des palais nationaux