Des précisions sur le remplacement du titulaire défaillant d'un marché
Comment remplacer une entreprise qui fait faillite lors de l’exécution d’un contrat de marché ? Nombre de collectivités ont eu à faire face à cette question durant la crise financière alors que près de 60 000 entreprises firent faillite. La question du sénateur Jean-Louis Masson au ministre de l'Intérieur est l’occasion de savoir si des procédures alternatives peuvent être engagées sur ce point.
En ce qui concerne les règles de la commande publique, l'adage selon lequel « à l’impossible nul n’est tenu » ne s'applique pas forcément et c'est dans une poursuite des relations contractuelles que le droit français s'inscrit : « en cas de redressement judiciaire, le titulaire du marché n'est pas dispensé d'accomplir ses obligations contractuelles vis-à-vis du pouvoir adjudicateur ».
Toutefois, la mise en demeure va jouer un rôle clef, conformément à l'article 46.1.2 du CCAG Travaux. En effet, « en cas de redressement judiciaire, le marché est résilié, si après mise en demeure de l'administrateur judiciaire, dans les conditions prévues à l'article L. 622-13 du Code de commerce, ce dernier indique ne pas reprendre les obligations du titulaire », et la résiliation ne peut être décidée par la personne publique sans avoir au préalable mis en demeure l'administrateur judiciaire afin qu'il établisse les modalités d'exécution du marché. Par ailleurs, aux termes du même article du CCAG, « en cas de liquidation judiciaire du titulaire, le marché est résilié si, après mise en demeure du liquidateur, dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du Code de commerce, ce dernier indique ne pas reprendre les obligations du titulaire ».
Dans les deux cas, la résiliation « n'ouvre droit, pour le titulaire, à aucune indemnité ». Ainsi, comme c’est tout le marché qui en vient à tomber, la prudence dans la sélection des entreprises est donc bien un enjeu vital tant la personne publique n'a jamais intérêt à ce que ses travaux s’étalent démesurément dans le temps.
En cas de résiliation, les nouveaux cahiers des clauses administratives générales règlent également les incidences d'une mise en redressement ou d'une mise en liquidation d'une société quant à la poursuite du marché public en cours, s'il y a lieu.
Les marchés à multiples titulaires
Le plus souvent, il n’y a pas qu’une seule entreprise qui soit partie au contrat. Par exemple, si la personne publique a passé un contrat pour une salle des fêtes (comme dans l’exemple visé par le député), plusieurs entreprises avec différentes compétences sont amenées à intervenir et cela sans qu’il s’agisse forcément d’une sous-traitance. Ainsi, lorsque le « redressement ou la liquidation judiciaire concerne une société qui participe aux côtés d'autres titulaires à la réalisation d'un marché, il est pourvu à son remplacement selon les procédures de marché de droit commun ».
Dès lors, les procédures simplifiées que sont l’absence de publicité et de mise en concurrence en vertu de l'article 35 du Code des marchés publics (CMP) sont de fait exclues. Seul reste le cas de l’urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur issue de l'article 35-II-1° du CMP, ou encore à l'article 35-II-8° du même code, selon lequel le marché ne peut être confié « qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité ». Cette combinaison d’articles révèle alors tout son potentiel, mais aussi toute sa dangerosité en ce sens que « l’urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles » ne recouvre rien de tangible mais plutôt un fort potentiel de violation des règles de passation et d’attribution des marchés. Le ministère de l’Intérieur ne manque pas alors de préciser que ces dispositions étant d’interprétation stricte, y avoir recours doit être précisément encadré et cela d’autant plus que les nouvelles directives Marché de l’Union européenne ont moins d’un an.
Le remplacement du titulaire défaillant procède enfin d’un simple respect de parallélisme des formes : si un nouveau marché devait être passé, il faudrait qu’il le soit selon les mêmes procédures que le marché initialement conclu. D’ailleurs, la question de l’allotissement est réglée de la même manière et si le lot avait fait l'objet d'une procédure adaptée, le nouveau marché pourra à son tour faire l’objet d’un allotissement.
Ainsi, la part belle est faite à la prudence sous peine de voir fleurir un nouveau contentieux alors que celui des concurrents évincés est déjà conséquent.
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