Droit de recours du soumissionnaire exclu de la procédure de passation d’un marché public
La tentation pour un soumissionnaire exclu d’une procédure de passation d’un marché public d’entraîner dans sa chute le titulaire du nouveau contrat est grande. Un groupement s’est essayé à un tel exercice devant ses juridictions nationales, jusqu’à ce qu’une cour administrative saisisse la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin qu’elle étudie la validité de son recours. La Cour s’est prononcée sur cette question dans une décision rendue le 21 décembre 2016.
Dans le cadre d’une procédure négociée de passation d’un marché public avec publication d’un avis préalable, seuls un groupement et une entreprise ont présenté une offre dans le délai fixé. Le groupement s’est cependant vu exclu de la procédure en l’absence de production d’un document requis de sa part dans le temps imparti. Il forme alors deux recours contre cette décision d’exclusion, tous deux rejetés, tandis que l’autre entreprise se voit attribuer le marché public. La décision d’attribution est de nouveau sujet d’un recours du groupement, à son tour rejeté.
C’est l’appel de cette dernière décision qui a conduit la CJUE à intervenir. Il lui fallait interpréter certaines dispositions de la directive européenne 89/665 dite « recours », telle que modifiée par la directive 2077/66, pour savoir si l’exclusion d’un soumissionnaire par le pouvoir adjudicateur était synonyme d’impossibilité de recours pour ce dernier. Un arrêt de la CJUE du 4 juillet 2013, Fastweb, qui avait eu à interpréter les mêmes textes, semblait pouvoir s’appliquer au cas d’espèce.
Un point fondamental différenciait néanmoins l’arrêt de 2013 du cas présent. Alors que l’irrégularité de l’offre du soumissionnaire exclu et de celle du titulaire du contrat avait été prononcée par une juridiction dans la première décision, l’exclusion de la procédure de passation du marché public pour offre irrégulière était le fait du pouvoir adjudicateur dans l’affaire d’espèce. Cette nuance revêt toute son importance à la lumière des dispositions de l’article 2 bis de la directive recours de 1989 qui énonce que « les soumissionnaires sont réputés concernés [par le délai de suspension à respecter entre la décision d’attribution d’un marché et la conclusion du contrat] s’ils n’ont pas encore été définitivement exclus. Une exclusion est définitive si elle a été notifiée aux soumissionnaires concernés et a été jugée licite par une instance de recours indépendante ou ne peut plus faire l’objet d’un recours. »
La CJUE considère que l’exclusion définitive du groupement prononcée par le pouvoir adjudicateur empêche tout recours. Peu importe que le soumissionnaire évincé soutienne que l’offre de l’attributaire aurait dû aussi être écartée : confirmé par une instance de recours qui aura vérifié que l’offre a été régulièrement écartée, le caractère définitif de l’exclusion prime et ferme la voie du recours.
Le principe d’égalité de traitement applicable aux soumissionnaires ne justifie donc pas qu’il soit accordé à un soumissionnaire définitivement exclu un droit de recours contre cette décision bien qu’elle bénéficie au seul autre soumissionnaire en lice.
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