Gagnant/Gagnant pour le parfait achèvement
Alors que la garantie de parfait achèvement était limitée aux malfaçons de l’ouvrage, le Conseil d’État vient poser l’idée d’une entière réfaction des travaux en imposant aux juges du fond de considérer l’ensemble des coûts.
Savoir laquelle de la garantie décennale ou de la garantie du parfait achèvement s’applique aux acteurs publics revient pour ceux-ci à se placer entre le marteau et l’enclume. D’un côté, la garantie décennale offre une protection étalée dans le temps nécessaire à la découverte de vices inhérents à l’ouvrage et de l’autre, la garantie de parfait achèvement se montre plus pointue dans un temps logiquement plus restreint en s’appliquant à tous les désordres y compris ceux qui pourraient relever de la garantie décennale. Difficile de s’y retrouver.
L’arrêt du Conseil d’État du 24 septembre 2014 apporte un judicieux complément à ce dispositif en censurant les juges d’appel qui avaient jugé que la responsabilité d'une société engagée envers une commune sur le fondement de la garantie de parfait achèvement limitait le préjudice de la commune aux seuls travaux de reprise permettant de faire disparaître les manifestations des désordres apparus sans prendre en compte le coût de l'ensemble des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché. Autrement dit, le Conseil d’État vient étendre à l’intégralité des travaux le dispositif de la garantie de parfait achèvement.
En l’espèce, une société se voit attribuer par la commune de Nantes un marché de travaux en vue de refaire le sol d’un gymnase en juin 2006. Moins de trois mois après la réception sans réserves de l’ouvrage par la commune, le sol révèle de lourds défauts, confirmés par des expertises. La commune forme un premier recours devant le tribunal administratif de Nantes qui retient la responsabilité de la société pour faute selon le fondement traditionnel de la garantie de parfait achèvement et octroie 50 000 euros à la commune. Toutefois, la cour administrative d'appel de Nantes ayant annulé le jugement du tribunal administratif et ayant limité le montant de son indemnisation à 4 870,40 euros, la commune forme appel de cette décision, ayant fait procéder à une réfection complète du sol du gymnase pour un montant total de plus de 132 000 euros TTC.
Le Conseil d’État tranche alors dans le sens de l’annulation en tant que la cour administrative d’appel a limité l'indemnisation au titre des travaux de reprise à la somme de 4 870,40 euros et non à la totalité.
Une telle décision peut être lue au regard du fait que le Conseil d'État souhaite offrir une plus grande sécurité aux collectivités, car dans le cadre de tous contrats publics les cocontractants de la personne publique vont souscrire diverses assurances, ceci tant pour des raisons traditionnelles de business que d’exorbitance de la personne publique. Dès lors, l’extension de la garantie de parfait achèvement à l’ensemble des coûts est indolore pour le cocontractant et, de l'autre côté, la personne publique procède à entière réfaction auprès d’une autre entreprise qui fait travailler d’autres salariés. La logique est vertueuse jusqu’à ce que les assureurs en viennent à augmenter leurs primes, occasionnant des coûts supplémentaires pour les entreprises et créant un effet multiplicateur.
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