Garantie décennale du maître d’œuvre et nature de la réparation : petit rappel du Conseil d’État
En cas de manquement à son devoir de conseil lors de la réception des travaux, le maître d’œuvre peut voir sa responsabilité décennale engagée par le maître d’ouvrage. Il s’agit ainsi de garantir ce dernier contre les éventuelles tentatives de son maître d’œuvre de maquiller les imperfections qui affecteraient les travaux réalisés. D’ailleurs, peu importe que ces imperfections soient apparentes ou non, il suffit que le maître d’œuvre se soit abstenu d’en informer le maître d’ouvrage (CE, 28 janvier 2011, Société cabinet d’étude Marc Merlin, no 330693) ! S’agissant de la réparation, celle-ci ne peut toutefois n’être que pécuniaire. En effet, comme le rappelle cette décision rendue le 25 janvier 2016 par le Conseil d’État, l’engagement de la responsabilité décennale des constructeurs ne peut conduire à la réparation en nature des dommages causés.
En l’espèce, la Polynésie française avait mandaté la société Speed d’assurer la maîtrise d’œuvre d’un marché public de travaux relatif à l’assainissement collectif des eaux usées au sein d’une zone touristique située au sud-ouest de Moorea. Des désordres étant intervenus après réception des travaux, la collectivité avait saisi le juge administratif à fin d’obtenir le remplacement de l’ouvrage par le maître d’œuvre et l’entrepreneur ayant réalisé les travaux. Ses demandes furent rejetées tant en première instance qu’en appel. Celle-ci persista cependant et saisit la haute juridiction administrative.
L’initiative ne fût cependant pas plus heureuse puisque le Conseil d’État rejeta lui aussi les demandes présentées par la Polynésie française. En effet, la haute juridiction administrative rappelle que la responsabilité des maîtres d’œuvre en raison des malfaçons constatées dans les travaux ne peut trouver sa sanction, sur la base des principes régissant la responsabilité décennale des constructeurs, dans l’obligation d’exécuter eux-mêmes les réparations. Celui-ci rappelle également que cette réparation en argent ne peut excéder le coût des travaux. À cet égard, il convient de noter que ce coût comprend la taxe sur la valeur ajoutée lorsque celle-ci grève le prix des travaux (CAA Lyon, 16 nov. 1989, Ministre de l’Éducation nationale, no 89LY00150 ; CAA Lyon, 7 janv. 2016, Commune de Brison-Saint-Innocent, no 14LY01297).
Cette décision est donc l’opportunité de rappeler que la réparation des dommages couverts par la responsabilité décennale du maître d’œuvre ne peut être que pécuniaire, mais également que celle-ci ne peut excéder le coût des travaux résultant des imperfections. Les travaux de réparation doivent effectivement être réalisés par des tiers.
Pour mémoire, le point de départ de la garantie décennale du maître d’œuvre est, sauf stipulations contractuelles contraires, la prise de possession des ouvrages achevés (CE, 11 juill. 1986, Ville de Castres, no 64607).
Sources :
- CAA Lyon, 7 janvier 2016, Commune de Brison-Saint-Innocent, no 14LY01297
- CE, 25 janvier 2016, Polynésie française, no 384414
- CE, 28 janvier 2011, Société cabinet d’étude Marc Merlin, no 330693
- CAA Lyon, 16 novembre 1989, Ministre de l’Éducation nationale, no 89LY00150
- CE, 11 juillet 1986, Ville de Castres, no 64607