In house : l'appréciation de la force du contrôle analogue par le juge est matérielle
Un modèle de communication informelle entre la Cour de justice de l’Union européenne et une juridiction administrative française ! Saisies pour des affaires différentes mais dont le fond du droit était sensiblement similaire, les deux cours ont rendu des décisions très proches, précisant par là-même ce qui est entendu par la notion de « contrôle analogue » qui permet, dans le cadre de prestations in house, de se libérer des obligations de publicité et de mise en concurrence.
Dans l’affaire soumise au juge français, un commune a confié un marché public d’aménagement à une société publique locale sans publicité ni mise en concurrence. Une association et un syndicat ont attaqué cette décision à l'occasion d'un recours de plein contentieux, considérant qu’elle était illégale. Le juge, en première instance, donne raison à la collectivité. En appel, après un nouvel examen des faits, il lui donne tort. La commune ne détenait qu’une part minime des actions de la société publique locale, et ne pouvait envoyer qu’un seul représentant au sein du conseil d’administration. La commune participait pourtant au comité technique et financier.
La question préjudicielle posée au juge communautaire provenait du Consiglio di Stato, équivalent italien du Conseil d’État : plusieurs collectivités s’étaient associées au sein d’une société pour le ramassage et le traitement des déchets ménagers. Si la principale commune de la région détenait la plus grande partie des actions de la société, les autres communes n’en possédaient chacune qu’une toute petite part. La participation des communes était régie par un pacte d’actionnaires qui leur donnait le droit d’être consultées, de nommer un membre du commissariat aux comptes et de désigner un conseiller d’administration en accord avec les autres collectivités concernées par ce pacte. Le juge communautaire répond au Consiglio di Stato que la dérogation aux règles de mise en concurrence et de publicité n’est possible que dans le cas où le pouvoir adjudicateur est en mesure d’exercer effectivement un contrôle structurel et fonctionnel sur cette entité.
Dans les deux cas, les règles s’appliquant aux prestations in house se dévoilent avec clarté : conçues comme des exceptions aux principes en vigueur pour les marchés publics, elles ne sont acceptables que dans le cas où elles sont très encadrées. La tutelle exercée par le pouvoir adjudicateur sur la société doit être de même force que le contrôle qu’il met en œuvre sur ses propres services.
Le juge communautaire ne change pas de cap sur cette position. Mais il le précise en rappelant que la force de ce contrôle doit être appréciée quant aux faits. Dès lors, il est possible pour une collectivité de détenir très peu de parts dans une société publique locale si elle lui dicte malgré tout sa conduite. À l’inverse, une forte participation sans contrôle ne permet pas d’échapper aux règles des marchés publics.
La décision de la cour administrative d’appel de Lyon du 7 novembre 2012 en est la parfaite illustration. Ce n’est pas parce que la participation de la collectivité à la société était faible que le juge a refusé d’appliquer l’exception in house. Ce n’est pas non plus parce que la commune n’était que peu présente au conseil d’administration qu’elle a cassé la décision rendue en première instance, ni parce que sa participation au comité technique et financier ne pouvait aboutir qu’à un droit de véto mais pas à un droit de décision que la cour administrative d'appel a donné tort à la collectivité.
En réalité, et conformément au droit communautaire et à l’article L. 300-5-2 du Code de l'urbanisme, la censure de cette décision est intervenue parce que l’ensemble de ces éléments trahissait l’absence de contrôle analogue à celui qu’exerce la collectivité sur ses propres services.
Le contrôle du juge sur l’usage de l’exception in house est donc un contrôle matériel et non formel.
Sources :