La cour administrative d'appel de Nancy illustre les avantages d'un marché à prix global et forfaitaire
Le Conseil d’État a très récemment rappelé les règles en matière de travaux supplémentaires et en particulier dans les marchés à prix forfaitaires (CE, 13 mai 2015, Sociétés Gallego et Temsol, no 380863). La cour administrative d’appel de Nancy en donne une nouvelle illustration, tout en donnant cette fois-ci tort aux titulaires du marché. En l’absence de cas présentant les caractéristiques de la force majeure (même étendu par le contrat) et de bouleversement des conditions contractuelles, le titulaire ne peut demander à être indemnisé.
Un département avait confié à deux entreprises la réalisation d’infrastructures de très haut débit, sous la forme « de vingt-trois "tronçons" principaux, à implanter en général sous les routes départementales, et quinze "secteurs" ou "points fédérateurs" sous abri, situés aux principales intersections » pour plus de 55 millions d’euros. Par un avenant, le pouvoir adjudicateur a demandé la création de « vingt-et-un "nœuds de raccordement d'abonnés" et la couverture de "zones blanches" pour la téléphonie mobile » pour un montant de 7,8 millions d’euros.
Cette augmentation du volume des travaux ne suffit pas aux titulaires qui réclament l’indemnisation d’études et de travaux supplémentaires. La cour d’appel écarte ces revendications sur deux grandes séries d’arguments.
En premier lieu, elle se fonde sur les principes applicables à l’indemnisation des travaux supplémentaires qui proviennent du croisement de deux jurisprudences. Depuis l’arrêt Département de la Vendée et des Sociétés Dumez et Sacer, dont le considérant de principe expose que l'indemnisation du titulaire est due « dans la mesure où celui-ci justifie que les difficultés imprévues qu'il a rencontrées ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat » et l’arrêt Société routière Colas qui écarte l’indemnisation de sujétions imprévues pour absence de circonstances revêtant un caractère exceptionnel et imprévisible, les règles d’indemnisation sont en effet fermement fixées. En l’espèce, l’absence de bouleversement contractuel et de circonstances ayant un caractère exceptionnel et imprévisible (alors que le pouvoir adjudicateur avait étendu ce cas également à la « la non-obtention, par le maître de l'ouvrage, d'une autorisation de passage sur le domaine public non départemental ou sur une propriété privée ») conduit au rejet de la requête.
En second lieu, la conclusion d’un marché à prix global et forfaitaire permet au pouvoir adjudicateur de se prémunir contre des dépassements qui ne sont pas de son fait. Ainsi, « la seule circonstance que ces travaux ont été réalisés à la demande de communes ou d'autres maîtres d'ouvrages publics au-delà de ce que [le titulaire] leur avait proposé dans les courriers sollicitant une permission de voirie » ne permet pas au juge de conclure à des prestations hors marché. Le titulaire doit en assumer les coûts.
Si l’arrêt du Conseil d’État du 13 mai 2015 met en garde contre les dépassements dus à la réalisation dans les règles de l’art d’un marché de travaux, la cour d’appel de Nancy rappelle ici l’efficacité de marchés à prix forfaitaire pour circonscrire les risques financiers.
Sources :
- CAA Nancy, 21 mai 2015, Société Sogea Construction et Société Alcatel Lucent France, no 13NC00174
- CE, 13 mai 2015, Sociétés Gallego et Temsol, no 380863
- CE, 2 juillet 1982, Société routière Colas, no 23653
- CE, 13 octobre 1978, Département de la Vendée et des Sociétés Dumez et Sacer, nos 95863, 00903 et 00998