La propriété des ouvrages publics, appréhendée par les marchés publics
Qui est propriétaire des ouvrages publics ? La personne qui les fait construire ou celle qui les utilise ? La cour administrative d’appel de Nantes a eu l’occasion de révéler l’importance notamment des procédures d’achat public pour déterminer la propriété d’ouvrages souterrains.
Les ouvrages en question sont les chambres de tirage et fourreaux qui accueillent les câbles de télécommunication. En l’espèce, ils avaient été achetés et installés à l’occasion d’une opération de lotissement par un syndicat intercommunal à vocation multiple dans les années 1980, devenu depuis une communauté d’agglomération. La société Orange y a tiré des câbles de fibre optique. La communauté d’agglomération a souhaité soumettre à redevance cette occupation de son domaine public.
Le cœur du litige ne porte pas directement sur le droit de la commande publique, mais le droit des propriétés publiques. Selon le droit des télécommunications, les réseaux de télécommunications ouverts au public ne peuvent être établis que par l'exploitant public (France Télécom devenu Orange) et surtout, depuis 1990, « l'ensemble des biens immobiliers du domaine public ou privé de l'État attachés aux services relevant de la direction générale de la poste et de la direction générale des télécommunications, ainsi que les biens mobiliers de ces services, sont transférés de plein droit et en pleine propriété à La Poste et à France Télécom ». En principe, les infrastructures de télécommunication sont depuis la propriété d’Orange.
Le litige prend un tour particulier car la personne publique qui, dans les années 1980, a mis en place l’infrastructure est un établissement public local. Les éléments qui emportent le raisonnement du juge sont la passation de marchés par l’établissement public et leur financement par celui-ci. Dès lors, la loi de 1990 qui transfère les biens de l’État à France Télécom n’est pas applicable d’une part. D’autre part, le juge relève que ni la référence aux cahiers des charges des infrastructures de télécommunication dans les lotissements édités par France Télécom dans les documents de consultation ni le fait d’avoir adressé des déclarations d’intention de commencement de travaux à France Télécom n’emportent aucune remise des biens à cet exploitant public.
Lors de la constitution des cahiers des charges et lors de la réalisation des travaux, la propriété d’un ouvrage se déduit de la qualité de maître d’ouvrage, qui seul emporte direction des travaux et financement.
La conséquence en termes de domanialité est simple : soit la société paie une redevance d’occupation du domaine public, soit elle retire ses câbles.
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