La responsabilité du pouvoir adjudicateur pour retard dans les travaux n’est pas objective
La responsabilité est objective lorsqu’elle est établie alors que le responsable n’a pas commis de faute mais un simple fait dommageable. Le Conseil d’État vient de rappeler, dans un arrêt du 5 juin 2013, que le pouvoir adjudicateur ne pouvait voir sa responsabilité engagée pour des retards dans la réalisation du marché que dans le cas d’une faute de la personne publique ou si l’économie du contrat a été bouleversée.
L’entreprise titulaire d’un lot de menuiseries, cloisons et doublages d’un marché de travaux de réfection d’un lycée avait subi un préjudice du fait du retard pris par les travaux. Bien que l’arrêt ne le précise pas, il s’agissait sans doute d’un retard d’autres entreprises, qui l’ont conduit à freiner son intervention. Le titulaire se retourne alors vers son seul interlocuteur contractuel : le maître de l’ouvrage, personne publique. Ce dernier refuse toute indemnisation. Les juges du fond lui donnent tort en relevant que « la responsabilité de la région Haute-Normandie était susceptible d'être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants à l'opération de restructuration du lycée ».
Le Conseil d’État a pourtant une jurisprudence très claire à ce propos, depuis l’arrêt n° 80470, Ministre d'État chargé de la Défense nationale du 19 février 1975. Dans les marchés à forfaits, c’est-à-dire les marchés dont toutes les caractéristiques, financières comme techniques, sont définies à l’avance par le maître d’ouvrage, et immuables, la responsabilité de celui-ci ne peut pas être engagée sans faute. Cette position a depuis été réitérée plusieurs fois, notamment par l’arrêt n° 47265, Société anonyme Dragages et travaux publics du 19 février 1992. L’arrêt du 5 juin n’a donc rien de novateur. Il rappelle malgré tout aux pouvoirs adjudicateurs ayant conclu des marchés à forfaits de ne pas céder si le titulaire demande une indemnisation pour un retard hors des deux cas prévus limitativement. Cette position est logique car dans le cas d’un engagement de la responsabilité sans faute, le contrat perdrait sa cause, qui repose sur l’aléa.
Le candidat ayant subi le préjudice pourra malgré tout demander une indemnisation au responsable du retard, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, à condition qu’il démontre une faute de l’autre titulaire.
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