Le Conseil d'État valide l'insertion de clauses sociales dans un marché de développement durable
Dans un arrêt rendu le 25 mars dernier, le Conseil d'État a apporté des précisions intéressantes quant aux clauses sociales dans les marchés publics.
L'affaire est assez classique dans le contentieux des marchés. Un pouvoir adjudicateur avait lancé une procédure d'appel d'offres pour un marché de travaux (aménagement et renforcement de voirie). Ces travaux devaient être respectueux du développement durable, et devaient notamment permettre l'insertion professionnelle d'un public en difficulté. La procédure est presque menée à son terme, un candidat étant désigné attributaire. Pendant le délai de stand still qui interdit au pouvoir adjudicateur de signer le contrat, un candidat évincé saisit le juge du référé précontractuel, et demande l'annulation de la procédure de passation pour manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le juge du référé précontractuel donne raison au candidat évincé et annule la procédure de passation. Pour le juge, « par nature et indépendamment des personnels susceptibles d'être concernés par l'exécution du marché, les travaux de renforcement et de renouvellement de chaussées prévus par le marché litigieux ne présentent aucun lien direct avec l'insertion professionnelle des publics en difficulté ».
Un double manquement est reproché au pouvoir adjudicateur. D'une part, il n'aurait pas suffisamment défini son besoin, comme l'y invite pourtant l'article 5 du Code des marchés publics. D'autre part, l'insuffisance de la définition du besoin l'a conduit à introduire dans le contrat une clause qui n'a aucun rapport avec son objet. Dès lors, il s'agirait d'un manquement aux règles de mise en concurrence.
Ce raisonnement semble faire écho à une décision du Conseil d'État rendue le 15 février dernier (CE, 15 février 2013, Derichebourg Polyurbaine, nº 363921). Le juge administratif avait en effet annulé une procédure de passation notamment du fait d'un manque de définition du besoin qui avait conduit le pouvoir adjudicateur à introduire dans son marché « respectueux de l'environnement » une clause sociale. La clause sociale n'étant pas liée au respect de l'environnement, elle est une condition indue d'accès au marché et constitue un manquement aux règles de mise en concurrence.
Dans l'arrêt du 25 mars, les faits sont sensiblement différents, ce qui permet au Conseil d'État d'affiner sa jurisprudence. Le marché en question n'était pas un marché simplement respectueux de l'environnement, il était un marché visant au développement durable. Défini ainsi, le besoin est plus large, et englobe les clauses sociales, dont celle de l'insertion professionnelle des publics en difficulté.
Pour le Conseil d'État, le « critère de performance en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, ainsi mis en œuvre pour évaluer l'offre des candidats, est en rapport avec l'objet de ce marché de travaux publics, susceptible d'être exécuté au moins en partie par du personnel engagé dans une démarche d'insertion ».
Publié au Lebon, cet arrêt est d'une grande importance. Nul doute que ce considérant sera repris dans d'autres décisions.
Derrière cet arrêt se dégage aussi la responsabilité des pouvoirs adjudicateurs non seulement en matière d'investissement public (mission que les collectivités territoriales remplissent très bien), mais aussi en matière de développement durable, aussi bien pour le respect de l'environnement que l'aide aux personnes en difficulté.
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