Le contrat de location d’un immeuble en état futur d’achèvement, un marché public de travaux comme les autres…
Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de justice a récemment rappelé qu’un contrat de location d’un ouvrage en état futur d’achèvement devait être requalifié de marché public de travaux dès lors que l’objet principal de ce contrat était la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins exprimés par le pouvoir adjudicateur (CJUE, 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti & C. SpA, aff. C‑213/13).
Le chef-lieu de la région des Pouilles, en Italie, avait publié un avis d’étude de marché aux fins de la réalisation d’un nouveau palais de justice. L’avis prévoyait notamment que l’ouvrage serait vendu à la commune pour un montant de 43 millions d’euros, auquel il fallait ajouter la somme de 3 millions d’euros correspondant aux loyers annuels versés pour la location des immeubles abritant les juridictions. Par ailleurs, cet avis était accompagné d’une annexe fixant un cadre officiel et exhaustif des exigences structurelles, fonctionnelles et organisationnelles relatives à la réalisation de la nouvelle cité judiciaire.
Informée d’une réduction importante des fonds publics disponibles pour le financement du projet, la commune interrogea l’entreprise sélectionnée afin de savoir si celle-ci était disposée à poursuivre le projet dans les limites fixées par ce nouveau cadre économique. Cette dernière répondit favorablement à la demande et reformula sa proposition afin de tenir compte de la baisse des ressources disponibles.
Quelques mois plus tard, les fonds publics furent entièrement supprimés. L’entreprise retenue présenta cependant une deuxième proposition faisant état de la possibilité de réaliser tout de même le projet. Face à l’inertie de la commune, l'entreprise engagea alors une action en justice afin d’obliger celle-ci à agir.
Au terme d’une procédure judiciaire relativement complexe, le Conseil d’État italien saisit le juge de l’Union afin de savoir si un contrat de location d’un ouvrage en état futur d’achèvement, même en présence de ses éléments caractéristiques, devait être qualifié de marché public de travaux. L’enjeu était simple puisque dans la négative, pareil contrat se trouvait exclu des règles applicables aux marchés publics. Au contraire, s’il s’agissait d’un marché public de travaux, celui-ci ne pouvait alors être exclu de l’application des règles imposées par la directive 2004/18.
Réaffirmant la solution acquise depuis l’arrêt Köln Messe (CJCE, 29 octobre 2009, Commission c/ Allemagne, aff. C-536/07), la Cour de justice rappelle qu’un contrat de location d’un ouvrage en état futur d’achèvement doit être requalifié de marché public de travaux, dès lors que l’objet principal de ce contrat est la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins du pouvoir adjudicateur et quand bien même ce contrat présenterait les caractéristiques d’un contrat de location. Pareil contrat ne peut être exclu des règles applicables aux marchés publics.
Cette solution est donc à rapprocher de celle du juge administratif en ce qui concerne le recours à la vente en l’état futur d’achèvement par les personnes publiques (CE, 14 mai 2008, Communauté de communes de Millau-Grands-Causses, n° 280370). En effet, lorsque l’objet de l’opération vise la construction d’un immeuble destiné à devenir la propriété du pouvoir adjudicateur et qu'il est réalisé pour le compte de celui-ci afin de satisfaire ses besoins propres, le juge administratif estime alors que la personne publique reste maître de l’ouvrage au sens de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, et se trouve ainsi tenue de passer un marché public.
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