L'élément intentionnel, clé de la condamnation pour favoritisme
Mal bâtir son marché public peut conduire à la case pénale : le juge judiciaire le rappelle à l’occasion, à la plus grande angoisse des acheteurs publics. Mais il apparaît dans la pratique, et en particulier dans ce cas d’espèce, que la condamnation a lieu si l’intention d’accomplir le délit est très présente !
Pour tout crime ou délit, trois éléments sont nécessaires : un élément légal, un élément matériel et un élément intentionnel.
L’élément légal est simple : l’article 432-14 du Code pénal prohibe le fait de favoriser ou de chercher à favoriser un candidat à un marché public ou une délégation de service public, en méconnaissance des principes fondamentaux de la commande publique.
L’élément matériel l’est aussi : il s’agit de réaliser un acte permettant de favoriser un candidat indûment.
L’élément intentionnel est plus compliqué à retenir mais se déduit généralement des agissements du prévenu.
En l’espèce, le maire d’une commune avait attribué un marché à procédure adaptée à un candidat pour un motif qui n’était pas indiqué dans les critères de sélection des offres. Alors que la phase de sélection des offres se limitait à choisir l’offre la moins chère, le candidat retenu n’offrait pas la prestation la moins chère mais se situait dans la commune.
Éléments légal et matériel se rejoignent, mais l’élément intentionnel pourrait manquer, en particulier s’il s’agit d’une simple inattention de la part du pouvoir adjudicateur pour un marché d’un faible montant.
Il ressort néanmoins de l’instruction que le maire a tout fait pour favoriser le candidat, au-delà même de l’intérêt de sa commune : la prestation prévue initialement dans le marché n’a pas été réalisée et une autre prestation l’a été à sa place (impression en quadrichromie plutôt qu’en noir et blanc, montant final du marché bien plus élevé que celui anticipé…). Dans un tel cas, le juge correctionnel a considéré, à raison comme le confirme le juge de cassation, qu’une intention infractionnelle existait au moment où le délit a été commis.
Le tribunal correctionnel a ainsi condamné le maire, même si les actes ont été signés par son adjoint, à une peine de 2 000 euros d’amende, soit une peine relativement clémente en comparaison du maximum encouru : deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Sources :
- Cass., crim., 22 janvier 2014, n° 13-80759
- C. pén., art. 432-14