Manquement au devoir de conseil et faute du maître d’ouvrage font désordre
Point de départ de plusieurs garanties légales, la réception de travaux est aussi généralement synonyme d’exonération de responsabilité contractuelle pour le maître d’œuvre. Ce dernier peut néanmoins voir sa responsabilité engagée en cas de manquement à son devoir de conseil… à moins que le maître d’ouvrage n’ait également commis une faute, rappelle la cour administrative d’appel de Marseille dans un arrêt du 3 octobre 2016.
Un centre hospitalier du Gard confie la construction d’un pôle d’admission à un groupement conjoint sous la forme d’un marché de maîtrise d’œuvre, tandis que sont postérieurement attribués un lot « gros œuvre » et la mission de contrôle technique à deux autres sociétés. Après la réception des travaux prononcée sans réserve par le maître d’ouvrage, l’apparition de fissures sur les parois verticales en béton invite ce dernier à demander réparation à son assureur au titre de la garantie dommages-ouvrage. Les sommes dues par l’assureur, puis par deux sociétés du groupement conjoint à ce dernier, sont successivement fixées par les juges du fond, mais sont contestées par l’ensemble de ces acteurs qui font appel du jugement.
La cour administrative d’appel s’attache dans un premier temps à rappeler que la réception de travaux prononcée sans réserves fait obstacle à ce que la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre soit mise en jeu. La réception, définie à l’article 1792-6 du Code civil ainsi qu’à l’article 2 du CCAG applicable aux marchés de travaux publics, est « l’acte par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve ». Point de départ des délais de garantie telle que la garantie de parfait achèvement, elle exonère également le maître d’œuvre d’éventuelles fautes commises pendant l’exécution du contrat.
La responsabilité contractuelle n’a cependant pas vocation à disparaître lorsque le maître d’œuvre a manqué à son devoir de conseil. Rappelant une décision du Conseil d’État (CE, 28 janv. 2011, no 330693, Société Cabinet d’études Marc Merlin), le juge d’appel précise que sa responsabilité est engagée lorsqu’il « s’est abstenu d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves ».
Pour rappel, l’article 7 de la loi no 85-704 du 12 juillet 1985 dite « MOP » et les articles 9 à 11 de son décret d’application offrent au maître d’ouvrage la possibilité de confier au maître d’œuvre les missions de direction de l’exécution du contrat de travaux ou encore d’assistance lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement, l’ensemble de ces missions entrant sous le vocable de « devoir de conseil » du maître d’œuvre.
Le juge d’appel ne retient pourtant pas la responsabilité du maître d’œuvre pour la simple raison que les désordres étaient connus du centre hospitalier, lui-même assisté d’un maître d’ouvrage délégué « spécialisé dans le domaine de la construction » qui a attiré son attention sur ces désordres en déclarant un sinistre. La décision de réceptionner les travaux en toute connaissance de cause ne peut qu’exonérer le maître d’œuvre de toute responsabilité.
Sources :
- CAA Marseille, 3 octobre 2016, no 14MA05228, SMABTP
- CE, 28 janvier 2011, no 330693, Société Cabinet d’études Marc Merlin
- Décret no 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, art. 9 à 11
- Loi no 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, art. 7
Lire également sur Légibase Marchés publics :
- « L’obligation de conseil devient plus stricte pour les maîtres d’œuvre » – La lettre Légibase Marchés publics, no 29