Ne pas affermir une tranche conditionnelle peut conduire à une indemnisation du titulaire !

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Si le titulaire d’un marché public ne saurait exiger le paiement d’une tranche conditionnelle exécutée en l’absence de décision d’affermir, celui-ci peut toutefois espérer le paiement d’une partie des prestations réalisées sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle du pouvoir adjudicateur. L'arrêt rendu le 5 mai dernier par la cour administrative d’appel de Paris l'illustre dans une espèce très particulière.

En l’espèce, la Polynésie française avait passé un marché public avec la société Électricité de Tahiti (EDT) afin d’assurer la maintenance de plusieurs équipements d’éclairage public de l’île. Ledit marché était composé d’une tranche ferme et de deux tranches conditionnelles dont l’exécution était subordonnée, conformément à l’article du 12 du Code des marchés publics applicable au territoire de la Polynésie française, à une décision du pouvoir adjudicateur notifiée au titulaire dans les conditions fixées au marché. Or, la société EDT avait exécuté la première tranche conditionnelle du marché sans que celle-ci n’ait été affermie par le pouvoir adjudicateur. Elle s’était donc vue refuser le paiement des prestations effectuées au titre de cette tranche puisque celles-ci avaient été réalisées hors marché.

Saisi du litige, le juge administratif de première instance rejeta la demande de la société EDT tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui payer les prestations effectuées au titre de la première tranche conditionnelle du marché. Le titulaire du marché interjeta toutefois appel.

L’initiative ne fût pas tout à fait vaine puisque la cour administrative d’appel de Paris infirma la solution rendue en première instance en condamnant la collectivité d’outre-mer à régler pour moitié les sommes correspondant aux prestations réalisées par le titulaire du marché au titre de la première tranche conditionnelle. Si la responsabilité contractuelle du pouvoir adjudicateur ne pouvait être effectivement engagée en l’espèce, aucune décision d’affermir la tranche litigieuse n’ayant été notifiée au titulaire du marché, celui-ci avait toutefois commis une faute de nature à engager sa responsabilité en annonçant « à plusieurs reprises à la société EDT que la procédure d’affermissement […] était en cours et en l’incitant par là-même à poursuivre les prestations ». C’est donc sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle que le juge administratif en vient à sanctionner le pouvoir adjudicateur.

Pour autant, celui-ci tient également compte de la faute commise par le titulaire du marché afin de limiter la responsabilité du territoire de la Polynésie française. Compte tenu de sa taille et de son expérience, la société EDT ne pouvait effectivement ignorer le caractère irrégulier de ses prestations réalisées hors marché.

Ainsi, le juge administratif d’appel déclare le pouvoir adjudicateur responsable seulement pour moitié du préjudice indemnisable sur le terrain quasi-délictuel.

Bien que cette décision ait été rendue sous l’empire du Code des marchés publics spécialement applicable au territoire de la Polynésie française, la solution ainsi dégagée demeure transposable aux marchés publics passés en métropole, les dispositions pertinentes du Code des marchés publics applicable à cette collectivité d’outre-mer étant identiques aux dispositions de l’article 72 du Code des marchés publics.

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