Peut-on judicieusement faire un don à une collectivité après en avoir remporté un marché ?
M. Jean-Louis Masson, dans une question au ministre de l'Intérieur, souhaite des éclaircissements sur la légalité des dons potentiels à une commune de la part d’une entreprise qui vient de bénéficier d'un important marché public de cette dernière afin de soutenir une activité sportive ou culturelle de la collectivité.
La réponse ne fait aucune ambiguïté en ce sens qu’elle ne pose pas de définition positive mais seulement les restrictions négatives issues du Code pénal, ce qui traduit un évident malaise avec la notion. Le principe « La liberté est la règle et la restriction l’exception » exposé par le commissaire Corneille sous l’arrêt Baldy est bien vivant.
Ainsi, « aucun texte ni principe n'interdit à une entreprise d'octroyer un don pour soutenir l'activité culturelle ou sportive d'une collectivité territoriale. Toutefois, si cette entreprise est titulaire d'un marché public de cette collectivité, elle doit prendre toutes les précautions de nature à écarter d'éventuels soupçons de corruption ». En d’autres termes, on sent le malaise poindre, car le ministère de l'Intérieur évince tous critères juridiques et botte en touche en évoquant une prise de précaution. À tout prendre, il semblerait qu'il vaille simplement mieux éviter de genre de démarche. La conséquence de l'absence de définition positive est presque une présomption de corruption pesant sur les épaules du donataire.
L’enjeu est de taille et, son inscription dans le Code pénal traduisant bien la volonté d’une pénalisation forte à l’endroit des contrevenants, il convient de rappeler ce qu’est une corruption en termes de marchés publics.
Il faut distinguer la corruption active au sens de l’article 433-1 du Code pénal si « l'entreprise a proposé un don afin d'obtenir un marché auquel elle concourt, que ce soit à une personne dépositaire de l'autorité publique, élu ou agent public, ou au profit d'une personne morale, comme une association, voire une personne publique » de la corruption passive de l’article 432-11 « si une personne dépositaire de l'autorité publique sollicite ce don auprès du candidat, pour elle-même ou pour autrui, y compris donc au profit d'une personne morale ».
Par ailleurs, l'article 432-14 du Code pénal vient sanctionner un « avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public » sur le fondement duquel des poursuites peuvent être engagées de sorte qu'il s'agit ici d'une nouvelle résistance pour ceux qui souhaiteraient faire un don même dans le but de soutenir une activité culturelle ou sportive.
La question de la donation fait se poser celle de l'évasion fiscale ou encore de la contrelettre ou de la fraude à la TVA à l'égard desquels le gouvernement et les pouvoirs publics sont loin d'être naïfs et ont sensiblement durci leur ligne depuis le début des années 2000.
Sources :