Pour la reprise des salariés, merci de s'adresser au juge judiciaire !
Le Tribunal des conflits a beau avoir tranché le débat juridique, la question est encore difficile à résoudre pour les acteurs économiques… comme pour le juge administratif. À tel point que le Conseil d’État a dû intervenir vendredi 5 juin dernier pour mettre les points sur les i, qui riment avec reprise en régie.
Parmi les choix de mode de gestion du service public figurent la délégation de service public, la régie ou confier une mission à un prestataire privé contre rémunération, c’est-à-dire le marché public. Si la passation d’un marché est très encadrée, choisir de ne pas conclure de nouvelle prestation ne l’est presque pas. Ainsi, principe de libre administration oblige, une collectivité territoriale peut décider d’internaliser (sous forme de régie), ce qui était auparavant réalisé par une personne privée au titre d’un marché public.
Une obligation de principe existe toutefois pour la personne publique : elle doit reprendre les salariés affectés à l’activité de l’entité économique autonome transférée en leur proposant un contrat de travail de droit public si l’activité est un service public administratif (C. trav., art. L. 1224-3) ou de droit privé s’il s’agit d’un service public industriel et commercial (C. trav., art. L. 1224-1). Reste qu’en matière de marchés publics, le juge français comme le juge de communautaire n’ont pas qualifié le non-renouvellement d’un marché comme une reprise d’activité économique. Le juge explique que dans les espèces considérées, n’est une entité économique autonome que celle qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Une illustration récente a été apportée par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 décembre 2014 à propos de la reprise d’une activité de nettoyage en cela que « l'activité de gestion du marché d'approvisionnement, confiée antérieurement à la société, avait fait l'objet de la part de la commune d'une réorganisation décidée avant la date du transfert, l'activité de nettoyage étant reprise par elle-même en régie tandis que les activités de placement et de conventions d'occupation précaire étaient externalisées, la cour d'appel a pu en déduire que l'entité économique autonome dont la société assurait la gestion n'avait pas conservé son identité ».
En pratique, les collectivités qui mettent fin aux marchés ne reprennent pas les salariés du prestataire, mais peuvent voir cette décision être contestée. Tel était le cas en l’espèce, puisque l’ancien titulaire du marché a contesté la décision implicite de ne pas reprendre les salariés dédiés à cette activité. Pour le tribunal des conflits, cette contestation relève du juge judiciaire, car les contrats de travail sont encore de droit privé… dans la mesure où la personne publique n’a pas proposé de contrat de travail de droit public à ces personnes !
L’interprétation protectrice des collectivités développée par le juge judiciaire est placée dans la continuité.
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