Préciser les raisons du recours au dialogue compétitif est toujours récompensé
À l’occasion d’un arrêt rendu le 11 mars dernier, le Conseil d’État a précisé les conditions de recours à la procédure de dialogue compétitif ainsi que les conditions du contrôle du juge sur cette question.
L’Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) avait lancé un appel d’offres visant à répondre à son besoin d’assurances pour ses agents. Le point original de ce marché était d’avoir pour cause la nécessité de regrouper les différents contrats d’assurances, jusque-là morcelés entre différents titulaires : les chambres de commerce et d’industrie. Le marché était donc un marché d’une certaine ampleur, et qui devait s’adapter, qui plus est, aux impératifs propres des chambres de commerce. L’ACFCI avait ainsi décomposé son marché en deux lots, l’un sur l'assurance collective en matière de prévoyance, l’autre sur les frais de soins de santé des personnels des chambres de commerce et d'industrie et des « entités liées » et de leurs ayants droit. La définition du besoin de l’ACFCI faisait état d’un besoin de prestations fermes et de prestations conditionnelles, traitées sous la forme d’un marché à bons de commande.
Cette procédure de passation est attaquée devant le juge du référé précontractuel par un candidat évincé qui contestait la validité de la passation sur deux plans. D’une part, le recours à un dialogue compétitif ne lui semblait pas être fondé, dans la mesure où les conditions prévues à l’article 36 du Code des marchés publics à cet égard (difficulté technique ou financière du projet) n’étaient pas réunies. D’autre part, le candidat avançait que le pouvoir adjudicateur demandait des prestations conditionnelles car il n’aurait pas suffisamment défini son besoin, contrairement à ce qu’impose l’article 5 du Code des marchés publics. Le juge du référé précontractuel lui donne raison : la procédure de passation est annulée sur le fondement de l’absence de difficultés techniques ou financières du projet.
Pour le Conseil d’État, et pour la première fois, le juge des référés n’a pas à s’aventurer aussi loin dans l’appréciation des besoins du pouvoir adjudicateur. Dans la mesure où l’ACFCI souhaitait à la fois harmoniser le système de protection assurantiel et bénéficier de solutions techniques originales optimisant le « dialogue social et la gouvernance », et que le juge des référés avait lui-même relevé ce contexte, il lui était impossible de refuser le bénéfice de la procédure de dialogue compétitif.
Utiliser une procédure de dialogue compétitif est donc plus que possible, à condition de le justifier correctement dans les documents de consultation. En cas de contentieux, le juge le constatera et ne pourra pas requalifier autrement la procédure suivie, sauf erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la procédure, bien que cela reste à confirmer.
Le Conseil d’État, statuant au fond, fait face au second argument du requérant et le tranche rapidement. Tant que les règles des marchés à bons de commande, prévues à l’article 77 du Code des marchés publics, sont respectées, il est possible pour le pouvoir adjudicateur de recourir à un marché à bons de commande à l’issue d’un dialogue compétitif.
Comme il l’avait fait en cassant l’ordonnance du juge du référé, le Conseil d’État affirme la liberté du pouvoir adjudicateur de définir la meilleure manière de répondre à un besoin techniquement ou financièrement difficile à mettre en œuvre.
Cette décision est d’une logique implacable : si le pouvoir adjudicateur n’est pas objectivement en mesure de définir de quelle manière il peut répondre à son besoin, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas suffisamment défini son besoin !
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