Quelles sont les limites à l’ignorance par le pouvoir adjudicateur du statut de sous-traitant d’un prestataire ?
Un pouvoir adjudicateur doit-il forcément remarquer qu’une entreprise se trouvant sur son chantier n’est pas un simple fournisseur mais en réalité un sous-traitant ? Cette question, qui est souvent source de litiges, a été cette fois-ci soumise à la sagacité de la cour administrative d’appel de Lyon, le 16 mai 2013 (Société Spurgin Leonhart, n° 12LY01758).
En l’espèce, l’une des sociétés sous-traitantes du titulaire d’un marché pour l’exécution d’un lot de « gros œuvre » souhaitait obtenir du maître d’ouvrage le paiement direct des prestations, mode de rémunération auquel les sous-traitants agréés ont droit, alors qu’elle ne l’était pas, au motif que le maître d’ouvrage ne pouvait ignorer son existence. En effet, plusieurs éléments, selon elle, concouraient à rendre la participation de ces deux sociétés particulièrement visible : leur nom « figurait sur le panneau du chantier au titre des entreprises participantes, […] elles ont assisté à deux réunions de chantier, [le titulaire du marché] confirme leur situation et [le pouvoir adjudicateur] n’a pas répondu à leur demande de paiement direct bien qu’ayant mis en demeure [le titulaire du marché] de les faire agréer ».
La remise en cause de la bonne foi des pouvoirs adjudicateurs est souvent présentée devant les juridictions administratives mais est difficilement couronnée de succès : lors d’un cas similaire, la cour administrative d’appel de Versailles a estimé en 2007 que le fait que le maître d’ouvrage ait connaissance de la présence sur le chantier de camions et de personnel appartenant à une société sous-traitante et la participation à des réunions de chantier n’était pas de nature à établir cette sous-traitance (CAA Versailles, 26 juin 2007, Société Bainée, n° 06VE01021). Plus récemment, en février 2013, la cour administrative de Marseille a rejeté le recours d’une société non agréée qui s’était retournée contre le pouvoir adjudicateur afin d’obtenir le paiement des sommes dues en arguant que ce dernier aurait dû exiger du titulaire du marché la soumission de leur agrément (CAA Marseille, 18 février 2013, Société Les Charpentiers des Alpes et Provence, n° 10MA00902).
Le jugement de la cour administrative d’appel de Lyon n’est ainsi pas divergent : étant donné que les deux sociétés ne se sont pas manifestées auprès du maître d’ouvrage tant qu’elles étaient payées par le titulaire du marché, rien n’indique qu’elles auraient fait la démarche d’agrément autrement ; en outre, le maître d’œuvre a mis en demeure le titulaire du marché de lui soumettre l’agrément de ces deux sociétés, mais celui-ci n’a pas donné suite, étant placé en redressement judiciaire. Ensuite, les comptes-rendus des deux réunions ne font pas ressortir que ces sociétés avaient le statut de sous-traitantes. Enfin, les panneaux d’affichage portant leur nom « n’établissent pas davantage que le maître d’ouvrage aurait dû par ce biais connaître leur présence sur le chantier et leur rôle exact ».
Sources :
- CAA Lyon, 16 mai 2013, Société Spurgin Leonhart, n° 12LY01758
- CAA Marseille, 18 février 2013, Société Les Charpentiers des Alpes et Provence, n° 10MA00902
- CAA Versailles, 26 juin 2007, Société Bainée, n° 06VE01021
Lire également :
- « L’absence d’agrément d'un sous-traitant ne peut être reproché au pouvoir adjudicateur de bonne foi » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 78