Quelques précisions du Tribunal de l’Union européenne sur la motivation de la décision d’annulation de la procédure de passation d’un marché
Par une décision rendue le 17 janvier dernier, le Tribunal de l’Union européenne a eu l’opportunité de rappeler les exigences de motivation des actes des institutions européennes, notamment dans le cadre de la procédure de passation d’un marché.
En l’espèce, le Parlement européen avait lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la passation d’un marché de travaux relatif à la rénovation et à l’extension de l’un de ses immeubles, le bâtiment Konrad Adenauer situé à Luxembourg. Un groupement d’entreprises, représenté par la société Cofely Solelec, s’était porté candidat à l’attribution du lot « Électricité – courants forts » du marché. Son offre avait toutefois été rejetée au terme de la procédure, celle-ci n’ayant obtenue que la seconde place sur le critère prix. À la suite de difficultés apparues quant à la capacité de l’attributaire à respecter le cahier des charges du lot, le Parlement européen avait cependant choisi d’annuler la procédure. Selon ce dernier, le lot en question ne pouvait effectivement être attribué aux autres candidats en raison du coût trop élevé de leurs offres par rapport à l’estimation de la valeur du marché. La société Cofely Solelec et ses cotraitants avaient toutefois saisi le juge de l’Union européenne, sur le fondement de l’article 263 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), aux fins d’obtenir l’annulation de cette décision.
Les requérantes estimaient en effet que la décision d’annulation de la procédure ne respectait pas l’exigence de motivation des actes juridiques imposée par l’article 296 du TFUE, celles-ci n’ayant pas été informées du montant exact de la valeur du marché alors même que l’écart entre ce dernier et les coûts proposés par les candidats avait justifié l’annulation de la procédure. À titre subsidiaire, les requérantes soutenaient que le Parlement européen avait également commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’estimation de la valeur du marché, erreur qui avait ensuite conduit au rejet de leur offre et à l’annulation de la procédure.
Le Tribunal de l’Union européenne rejeta cependant le recours, celui-ci estimant qu’aucun des moyens soulevés par la société Cofely Solelec et ses cotraitants n’étaient fondés.
De première, s’agissant de la motivation de la décision d’annulation de la procédure, les juges de l’Union rappellent qu’une telle décision ne doit pas obligatoirement spécifier l’intégralité des éléments de fait et de droits pertinents. En effet, le caractère suffisant de la motivation donnée à une décision peut être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi du contexte de son adoption et de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (TUE, 8 octobre 2008, aff. T-411/06, Sogelma). Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu que, dans un contexte bien connu de l’intéressé comme cela était le cas en l’espèce, une décision pouvait être motivée de manière sommaire (CJUE, 19 septembre 2000, aff. C-156/98, Allemagne c. Commission). La motivation de la décision d’annulation de la procédure était donc parfaitement valable bien que le montant exact de la valeur estimée du marché n’ait pas été transmis aux requérantes.
De seconde part, les juges de l’Union soulignent que le Parlement européen n’avait pas non plus commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de l’estimation de la valeur du marché. Cette dernière avait effectivement était déterminée en accord avec le contrôleur des coûts de la maîtrise d’œuvre et de l’administration luxembourgeoise, ce qui témoignait d’une bonne gestion financière et du respect par le Parlement de ses obligations en ce domaine. Il ne pouvait donc être reproché au Parlement européen d’avoir manifestement sous-évalué les prestations du marché.
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