Saisir l'Autorité de la concurrence pour mieux contrôler ses marchés

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965 000 euros d’amende. Tel est le montant que devront payer, de manière différenciée, deux entreprises de bâtiments-travaux publics après leur condamnation par l’Autorité de la concurrence le 17 avril 2013. Si cette décision n’apporte rien de nouveau en droit, elle permet de mettre en lumière certains indices qui trahissent une entente dans les marchés publics.

Le cadre juridique est en effet le même que dans les cas d’entorses au droit de la concurrence traités par l’Autorité. Le fondement juridique de la décision est l’article L. 420-1 du Code de commerce qui prohibe les comportements d’entente. En l’espèce, l’Autorité de la concurrence s’était saisie d’office après une lettre du ministère des Finances.

Les pratiques relevées ont permis de confondre deux entreprises coupables d’une entente, au moyen de trois indices. Le premier concernait le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire. Un document-type avait été fourni par le pouvoir adjudicateur dans les documents de consultation. Les candidats avaient malgré tout la possibilité de modifier ce document tant sur la forme que sur le contenu. Or, il est apparu pendant l’instruction que les documents remis par les candidats ont fait l’objet de modifications identiques ! À moins d’un concours de circonstances rare, ce premier indice semble témoigner d’une discussion entre les deux candidats, d'autant plus que le nom d’un des candidats apparaissait sur plusieurs pieds de page des documents d’offre de l’autre candidat.

La piètre qualité des prestations proposées par l’un des candidats constitue un second indice. Alors que la nature des prestations sont rigoureusement les mêmes que celles proposées par l’autre candidat, les réponses techniques sont de faible qualité voire inexistantes. En soi, il est difficile d'y voir plus qu'un candidat peu motivé. Mais, lors de l'instruction de l'affaire, l'Autorité de la concurrence aidée de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes a mis à jour un manque d'implication délibéré du candidat : pas de réponses aux questions techniques, planning des travaux réduit au minimum... Combiné avec les autres indices, et alors qu'il n'y avait qu'un seul autre concurrent, cet élément pouvait entraîner la conviction de l'existence d'une entente.

Le dernier indice est le plus frappant. Pour mener à bien le marché de travaux, il était nécessaire de louer un terrain voisin. Il s’est avéré que son propriétaire était le gérant de l’une des entreprises candidates. Celui-ci avait prévu, avec le pouvoir adjudicateur, la location a un certain montant. L’attribution du marché à l’autre candidat a ainsi conduit à la location du terrain à plus de trois fois son prix ! Loin d’être un comportement punitif, il pourrait sembler être le prix de l’entente, sorte de récompense du fait de se laisser évincer.

Il ressort de cette décision que les pouvoirs adjudicateurs doivent être particulièrement prudents et curieux quant aux offres formulées. Cette étude doit être faite sur les dates, les formes remises, et les conditions de réalisation du contrat.

Dans un tel cas, la saisine de l’Autorité de la concurrence, et sa décision, ne sont pas préjudiciables aux pouvoirs adjudicateurs : compétente pour prononcer une amende, l’Autorité n’a pas le pouvoir d’annuler une passation. Sans risque pour les personnes publiques, une saisine permet de discipliner un peu plus les candidats.

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Lire également :

  • « S'y entendre sur les ententes (première partie) » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 77
  • « S’y entendre sur les ententes (seconde partie) » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 78