Travaux supplémentaires et règles de l'art : piqûre de rappel par le Conseil d'État
Choisir une rémunération forfaitaire pour le titulaire d'un marché ne conduit pas à circonscrire tous les risques financiers. Les travaux supplémentaires peuvent conduire, sous des conditions rappelées par le Conseil d’État dans un arrêt du 13 mai 2015, à bousculer les règles de règlement du marché.
Il s'agissait en l'espèce d'un marché de travaux dont le lot litigieux portait sur la réalisation des fondations profondes d'un bâtiment hospitalier. Le titulaire avait réalisé des prestations non prévues dans le cahier des charges pour que les travaux soient conformes à ce qui était attendu dans les règles de l'art, sans toutefois attendre d'ordre de service. De ces prestations supplémentaires a résulté un coût en plus de ce qui était prévu par le marché.
Le pouvoir adjudicateur a refusé de payer ces travaux supplémentaires, en opposant les stipulations contractuelles qui prévoyaient un paiement forfaitaire à la demande d'avenant du titulaire. Ce dernier conteste ce raisonnement, mais ne soulève ni le fait que « ces travaux résultaient de sujétions imprévues ni qu'ils étaient à l'origine d'un bouleversement de l'économie du contrat ». Le juge du fond écarte alors sa demande et donne raison au pouvoir adjudicateur.
Pour le Conseil d’État en revanche, le raisonnement du juge du fond est faux. En effet, les moyens non soulevés par le titulaire ne sont pas primordiaux. Ce qui l'est, c'est de savoir si les travaux supplémentaires ont bien été nécessaires à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art !
Cette décision est logique puisqu'elle s'inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil d’État depuis la décision de principe Société des Ateliers de construction J. Nicou et Cie du 17 novembre 1967. Le juge énonçait très clairement que « dès lors, dans la mesure où [les besoins du pouvoir adjudicateur] ont eu pour effet d'imposer à la société des travaux non compris dans les forfaits, la ville lui en doit le paiement ; que, d'autre part, même en l'absence d'un ordre du maître de l'ouvrage ou du directeur des travaux, la société est fondée à demander le règlement des travaux effectués en sus de ceux prévus dans les marchés dès lors qu'ils étaient indispensables pour l'exécution, suivant les règles de l'art, des ouvrages ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de rechercher si ces travaux supplémentaires ont ou non par leur importance bouleversé l'économie des marchés, c'est à tort que le tribunal administratif a refusé à la société droit au paiement desdits travaux ».
Le pouvoir adjudicateur peut avoir à payer des prestations supplémentaires dans ce cadre, si elles s'inscrivent dans l'augmentation du volume ou des quantités prévues par le marché, sans passer un avenant ou un nouveau marché comme le prévoit l'article 118 du code.
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