Une définition claire et précise de l'objet évite les contestations de passation
La médiation de nuit n’est pas la même prestation que du gardiennage. Cette différence d’objet a des conséquences importantes dans la passation d’un marché, comme l’a montré un arrêt du Conseil d’État rendu le 27 mars 2015. La définition du besoin apparaît une nouvelle fois comme le préalable au succès de la procédure de passation, dont les règles de bonne négociation ont été précisées par le juge.
Une commune a lancé la passation d’un appel d’offre ouvert de « médiation de nuit ». Deux candidats, une société de sécurité et une association, formulent des offres, qui sont déclarées inacceptables car leurs montants excèdent le budget prévu. Le pouvoir adjudicateur utilise alors la procédure dérogatoire prévue à l’article 35-I, 1° du Code des marchés publics pour recourir à une procédure négociée en conviant les deux candidats dont les offres avaient été déclarées inacceptables. Au terme de la négociation, l’offre de l’association est retenue.
Le candidat évincé saisi le juge du référé précontractuel pendant le délai de stand still en arguant du caractère inacceptable de la candidature de l’association, non pas sur le montant de son offre mais sur le droit à remplir le marché. Pour ce candidat, si le marché a pour objet facial la médiation de nuit, il s’agit d’une prestation de surveillance et de gardiennage. Or, si les missions de gardiennages sont une des seules exceptions au principe de non délégation des missions de police, elles sont strictement encadrées par le Code de la sécurité intérieure par la délivrance d’un agrément à une société immatriculée au registre de commerce et des sociétés. Une association, qui n’est pas une société, ne peut pas bénéficier d’un tel agrément, ce qui rendrait son offre sur un tel marché inacceptable.
Le juge du référé précontractuel se range à ce raisonnement et annule la procédure de passation. Le pouvoir adjudicateur se pourvoit en cassation contre cette ordonnance et obtient gain de cause.
Le Conseil d’État, en contrôlant la qualification juridique des faits, constate que, selon l’article 1er du cahier des clauses techniques particulières, le marché a pour objet des « prestations de médiation de nuit objet du marché consist[ant], pour les médiateurs, à assurer, sur l'ensemble du territoire de la commune d'Arcueil, une présence destinée, globalement, à entretenir et renforcer les relations avec et entre les habitants, à prévenir et apaiser les conflits pouvant s'élever entre eux et à signaler le cas échéant aux autorités compétentes, en particulier aux forces de police, seules chargées d'assurer l'ordre et la tranquillité publics, la survenue de troubles à l'ordre public ainsi que les dysfonctionnements pouvant affecter les immeubles de certains bailleurs ». Ces missions ne consistant pas en des missions de gardiennage, il censure l’ordonnance du juge des référés, puis évoque pour statuer lui-même au fond.
Le juge précise alors qu’il peut être dérogé à l’article 66 du Code des marchés publics qui impose que la lettre d’invitation à la négociation comporte obligatoirement la demande de l’offre, les délais de remise de l’offre et des documents supplémentaires, les références de l'avis d'appel public à la concurrence publié et la liste des documents transmis. Deux conditions doivent être réunies : les deux candidats invités à négocier sont ceux qui furent évincés en raison du caractère infructueux de la procédure initiale d'appel d'offres ouvert et la lettre doit indiquer explicitement que les documents de la consultation sont inchangés.
Rejetant les autres moyens avancés par le candidat évincé, le Conseil d’État, en tant que juge d’appel, valide la procédure de passation en montrant à la fois qu’une définition précise du besoin reprise en objet d’un contrat permet d’assurer une procédure de passation valide, même si l’appel d’offre initial est infructueux.
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