Une offre irrégulière conduit toujours à l'éviction, et jamais au succès en précontractuel !
Le Conseil d’État vient d’apporter une précision importante sur la question de l’intérêt à agir d’un candidat évincé lors d’un recours précontractuel.
Depuis l’arrêt SMIRGEOMES de 2008, le juge administratif a essayé de contenir le contentieux ouvert aux tiers du contrat. Il est vrai que les arrêts Société Gouelle d’avril 2012 et l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 octobre 2012 ont accepté que des tiers au contrat, n’étant même pas candidats, soient considérés comme ayant un intérêt à le conclure et donc un intérêt à agir contre une procédure de passation illégale.
Dans son arrêt du 15 février 2013, la formation spécialisée en marchés publics du Conseil d’État (les 7e et 2e sous-sections réunies) a de nouveau centré sa réflexion sur l’intérêt à agir.
Le litige est des plus classiques : à l’issue de la procédure de passation d’un marché public de travaux, l'un des candidats évincés saisit le juge du référé précontractuel comme l’y autorise l’article L. 551-10 du Code de justice administrative et invoque un manquement dans les procédures de publicité et de mise en concurrence.
Ce qui ressort de ce nouvel arrêt n’est autre que le sens de la jurisprudence. Peu importe d’avoir été candidat (CE, Avis, 11 avril 2012, Société Gouelle, n° 355446) ou de ne pas avoir établi le lien entre le manquement constaté et la lésion (CE, 29 avril 2011, Institut génétique Nantes Atlantique, n° 344617). Ce qui importe, nous dit le juge, est que le tiers ait eu une possibilité de contracter, et que celle-ci ait été bafouée par une irrégularité au cours de la passation.
Or, en l’espèce, le candidat n’avait aucun intérêt à agir !
Le juge des référés avait annulé la procédure de passation au motif que le candidat avait été évincé irrégulièrement. Pour le Conseil d’État, le juge des référés a tort. En effet, l’offre formulée par le candidat en question était irrégulière. Certes, le pouvoir adjudicateur ne l’avait pas mentionné dans la notification du rejet de l’offre. Mais les juges du Palais-Royal ont estimé qu’il appartenait au juge des référés de relever d’office l’irrégularité de l’offre pour en tirer la conclusion qui s’imposait : à offre irrégulière, absence d’intérêt à agir. En effet, la décision de ne pas accorder le marché à un candidat dont l’offre est irrégulière ne constitue pas un manquement, ni une lésion.
Cet arrêt complète ainsi la jurisprudence issue de l’arrêt du 11 avril 2012, Syndicat Ody 1218 newline du Lloyd’s de Londres. Dans cet arrêt, rendu à propos d'un marché public d’assurance, le candidat retenu avait lui aussi présenté une offre irrégulière, car ne contenant pas certains des documents demandés. Le juge avait alors annulé la procédure de passation sur ce fondement.
Une offre irrégulière conduit donc toujours à l’éviction du candidat qui l’a formulée, qu’il ait ou non été retenu. Une éviction fondée sur son absence d’intérêt à obtenir le marché. Il lui est donc impossible de demander son annulation au juge par la suite !
Sources :
- CE, 15 février 2013, Commune de Monéteau, n°364203
- CE, Avis, 11 avril 2012, Société Gouelle, n° 355446
- CE, 11 avril 2012, Syndicat Ody 1218 newline du Lloyd’s de Londres, n°354652
- CE, 29 avril 2011, Institut génétique Nantes Atlantique, n° 344617
- CE, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, 305420
- CE, Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545