L’archivage des documents « marchés publics »
L’archive est définie par l’article L. 211-1 du Code du patrimoine comme étant « l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité ». Les documents liés aux marchés publics sont des documents à forte valeur juridique puisqu’ils concernent tous les contrats d’une collectivité. De plus, ils sont très riches en informations puisque, tels les études et autres documents techniques, ils renseignent sur les modalités concrètes de l’action publique. L’archivage portant sur les marchés publics ne peut donc se faire à la légère. Après avoir étudié les règles générales présidant à l’archivage (I), nous aborderons les dispositions propres aux marchés publics (II) et enfin l’aspect électronique de cet archivage (III).
I. Les règles générales de l’archivage
Le Code du patrimoine fixe les règles concernant les archives publiques en sa partie législative par les articles L. 211-1 à L. 214-10 et en sa partie réglementaire par les articles R. 212-1 à R. 222-4. Les archives sont décomposées en trois âges(1), trois catégories différentes :
- les archives courantesconcernent les documents d'utilisation habituelle pour l'activité des services, établissements et organismes qui les ont produits (C. patr., art. R. 212-10) ;
- les archives intermédiaires caractérisent les documents qui, n'étant plus d'usage courant, doivent être conservés temporairement, pour des besoins administratifs ou juridiques (C. patr., art. R. 212-11) ;
- les archives définitives sont constituées des documents ayant subi un tri et qui sont à conserver sans limitation de durée (C. patr., art. R. 212-12).
Les documents font l’objet d’une sélection et d’une éventuelle élimination à la fin de leur durée d’utilité administrative (DUA) pour devenir archives définitives. Pendant leur durée d’utilité administrative, période où ils sont classés en tant qu'archives courantes ou intermédiaires, les documents doivent être conservés ou pré-archivés dans les locaux des services producteurs.L’article L. 212-6 du Code du patrimoine dispose que « les collectivités territoriales sont propriétaires de leurs archives. Elles en assurent elles-mêmes la conservation et la mise en valeur ». L’article L. 212-6-1 prévoit la même chose pour les groupements de collectivités territoriales. Pourtant, cette conservation est placée sous le contrôle scientifique et technique de l’État. Concrètement, ce contrôle est exercé, sur pièces ou sur place, par les directeurs des services départementaux d’archives. Les collectivités peuvent aussi décider de verser leurs archives définitives au service départemental d'archives compétent.(1) La théorie des trois âges est une notion fondamentale sur laquelle repose l'archivistique contemporaine, et qui fait passer tout document par trois périodes – courante, intermédiaire et définitive – caractérisées par la fréquence et le type d'utilisation qui en est faite (voir le Dictionnaire de terminologie archivistique, direction des Archives de France, 2002).
II. L’archivage selon la nature des documents
Le chapitre 6 de l’instruction DAF/DPACI/RES/2009/018 du 28 août 2009 est venu préciser en détail les dispositions concernant les documents des marchés publics selon leur nature. En particulier, l’instruction fixe les DUA et le sort final des documents « marchés publics » dans un tableau de tri et de gestion. Ce tableau peut être résumé comme suit :
Pièces procédurales à DUA de 5 ans avec un sort final de destruction :
- les dossiers de consultation des entreprises (DCE), que la procédure soit fructueuse ou non ;
- les candidatures, les offres non retenues et les courriers d’informations correspondants.
Pièces procédurales à DUA de 10 ans, au titre de la prescription pénale des faux en écriture, avec un sort final de destruction :
- l’avis de publicité, les récépissés de retrait et de remise des dossiers, la liste des entreprises ayant retiré un dossier, les pièces relatives à la commission d’appel d’offres doivent être conservés pendant dix ans.
Pièces procédurales à DUA de 10 ans, au titre de la prescription pénale des faux en écriture, puis conservés comme archives définitives :
- le procès verbal d’ouverture de plis, le rapport d’analyse des offres, le procès verbal constatant l’infructuosité d’une procédure et la liste annuelle des marchés conclus.
Pièces contractuelles à DUA de 10 ans avec sort final variable :
- les pièces relatives aux marchés conclus, c'est-à-dire le DCE, les pièces contractuelles, la notification du marché, les ordres de service ainsi que les documents liés à l’exécution du marché (planning des travaux, procès verbal de levée de réserves, etc.) sont conservés pendant une durée de dix ans, en vertu de même de la prescription pénale des faux en écriture.
Pièces contractuelles à DUA supérieure à 10 ans :
- les marchés de travaux doivent être conservés trente ans en vertu de l’article L. 152-1 du Code de l’environnement : « Les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par trente ans à compter du fait générateur du dommage ». Il est à noter que le dossier des ouvrages exécutés (DOE) et le dossier d’interventions ultérieures sur les ouvrages (DIUO) devront être conservés tant que le bâtiment existe, mais également que les contrats comportant des éléments touchant à la propriété intellectuelle devront être conservés pendant soixante-dix ans après la mort de l’auteur en vertu de l’article L. 123-1 du Code de la propriété intellectuelle.
III. L’archivage des documents sous forme électronique
Le guide de la dématérialisation évoque l’archivage des dossiers de marchés publics sous forme électronique au point 11.2 : « Les dispositions du Code du patrimoine relatives aux archives s’appliquent aux documents quel que soit leur support ». Cependant, la problématique qui se pose dans cette perspective d’archivage est le format des fichiers utilisés. En effet, afin de permettre correctement l’archivage électronique des dossiers, il convient d’utiliser des formats ouverts (open office par exemple). Le guide de dématérialisation précise ainsi que « si l’acheteur public n’utilise pas de formats dont les spécifications sont librement accessibles sans restriction, la chaîne de compatibilité est rompue en moins de 10 ans. Un fichier, dans un format fermé, dont la conservation au-delà de 10 ans est préconisée, doit être converti vers un de ces formats ouverts, avant archivage définitif ».Lorsque un dossier marché est clôturé, il faut transférer les données stockées sur le profil d’acheteur vers une plate-forme d’archivage. Dans l'attente d'une plate-forme d’archivage, les « paquets » de dossiers peuvent être archivés sur des supports physiques de mémoire électronique (disques durs, CD ou DVD). La direction des Archives de France (DAF) et la direction générale de la Modernisation de l’État (DGME), devenue direction interministérielle pour la Modernisation de l'Action publique (DIMAP) ont, à ce sujet, mis en place une politique d’archivage sécurisée dans le secteur public et un Standard d'échange de données pour l'archivage (SEDA).Sources :
- Instruction n° DAF/DPACI/RES/2009/018 du 28 août 2009 relative au tri et à la conservation des archives produites par les services communs à l'ensemble des collectivités territoriales (communes, départements et régions) et structures intercommunales
- « Dématérialisation des marchés publics, guide pratique (version 2.0, décembre 2012) » – direction des Affaires juridiques, ministère de l'Économie
- « Politique d’archivage sécurisée pour la sphère publique » – direction centrale de la Sécurité des systèmes d’information
- « Le standard d'échanges de données pour l'archivage (SEDA) » – Site des Archives de France