Responsabilité du maître d’ouvrage, lien de causalité et indemnisation de la victime participant au chantier
Un assureur a cherché à engager la responsabilité d'une commune à la suite d'un accident survenu en cours de chantier et qui a fait une victime, laquelle participait au chantier. La cour administrative d’appel de Nantes refuse l’existence d'un lien de causalité entre la faute du maître d'ouvrage et le dommage.
En vue de la rénovation d'un lavoir, une commune, qui assurait également la maîtrise d'œuvre de l'opération, avait conclu plusieurs marchés, dont un contrat de fourniture de main d’œuvre avec une association. Au cours des travaux, un salarié de cette association a été victime d'un accident provoqué par la chute d’une poutre manipulée par les salariés de la société X, intervenant sur le chantier.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale a condamné l'association à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie à hauteur des préjudices subis par la victime. La somme fut prise en charge par l’assureur de l’association, lequel a ensuite saisi le tribunal administratif afin d’obtenir la condamnation solidaire de la commune et de la société X.
Le juge de première instance, puis la cour administrative d’appel, n'ont retenu la responsabilité que de la seule société X, à l'exclusion de celle de la commune.
Le juge relève que le dommage « est survenu à l'occasion d'une opération de travaux publics à laquelle participait la victime » de sorte qu'il appartenait à l’assureur, pour engager la responsabilité de la commune, d'« établir que cette dernière a commis une faute, ainsi que l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et le dommage ». Elle ajoute que « si, dans le domaine des dommages de travaux publics, les fautes commises par des tiers sont en principe sans influence sur les obligations du maître de l'ouvrage à l'égard de la victime ou de ses ayants droit, il en va différemment lorsque le tiers co-auteur du dommage est l'employeur de la victime, contre lequel le maître de l'ouvrage ne peut exercer d'action en garantie ».
Ce faisant, le juge reprend deux solutions :
- la première, selon laquelle « les fautes commises par des tiers, si elles les exposent à une action en garantie du maître de l'ouvrage sont, dans le domaine des dommages de travaux publics, en principe sans influence sur les obligations du maître de l'ouvrage à l'égard de la victime ou de ses ayants-droit, même dans le cas où sa responsabilité est engagée à l'égard de la victime sur le fondement de la faute » (CE, 21 juin 1991, n° 76598, Ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Transports) ;
- la seconde, selon laquelle, lorsque le tiers coauteur du dommage ne peut faire l'objet ni d'appel en garantie ni d'action récursoire, son fait devient exonératoire de responsabilité pour le maître d’ouvrage, comme c’est le cas en matière de faute commise par l'employeur de la victime (CE, 4 oct. 1967, n° 62285, Service d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes). Il s'agit d'une solution d'équité, qui empêche que le maître d'ouvrage ne supporte la charge définitive de la réparation d'un dommage dans les cas où il ne dispose d'aucun recours pour se retourner contre le coauteur de ce dernier.
Au cas présent, pour écarter la responsabilité de la commune, le juge dénie l’existence d’un lien de causalité entre le dommage et la faute commise par cette dernière, à savoir l’absence de désignation d’un coordonnateur en matière de sécurité et de santé des travailleurs, en application de l’article R. 4532-2 du Code du travail.
En effet, la Cour relève (i) que l’accident « résulte directement de l’imprudence et du défaut de vigilance » des salariés de la société, dans une opération « qui ne présentait pas de difficultés particulières » ; (ii) que la victime a elle-même manqué de vigilance ; (iii) et que l’absence de désignation d’un coordonnateur est sans incidence dès lors que « le déplacement et la mise en place des poutres ne présentaient pas des risques tels que des précautions élémentaires ne pouvaient les pallier ».
Sources :