« Les collectivités de petite taille ont besoin de formalisme en matière de marchés publics »
Depuis près de 10 ans, Dorothée Simon, juriste spécialisée dans la commande publique, accompagne les collectivités territoriales du Département du Nord, adhérentes de l’agence iNord. Cet établissement public administratif propose conseils et expertise dans plusieurs domaines, dont celui des marchés publics. Elle revient pour nous sur les problématiques rencontrées par les très petites collectivités notamment, face à une règlementation de la commande publique parfois complexe à gérer pour ces petites structures.
En quoi consiste votre travail auprès des collectivités territoriales ?
En 2017, l’ancienne agence technique départementale, associative, a évolué en établissement public administratif iNord, dont le rôle est de renseigner, assister et accompagner ses 480 collectivités adhérentes sur le plan juridique, technique, financier dans des domaines variés. En tant que juriste spécialisée en commande publique, je suis sollicitée sur tout type de question relative aux marchés publics.
L’agence traite environ 4 000 questions juridiques par an et cela peut aller de questions très simples au suivi complet d’un projet. L’objectif est de faire preuve de réactivité et de souplesse pour permettre aux agents publics et aux élus de nous contacter facilement au moment où ils en ont besoin. Je réponds donc aux questions par mail, par téléphone, mais je peux aussi me déplacer lors de rendez-vous.
Beaucoup de nos adhérents sont de très petites collectivités et n’ont pas de service dédié aux marchés publics. Ils n’ont pas toujours eu de formation en la matière et ont besoin d’une aide pour leurs projets : construction d’une école, d’une cantine, d’un relais pour les assistantes maternelles, etc. Je les accompagne dans la rédaction de leurs documents, je les aide à comprendre la règlementation, à bien définir leurs besoins.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les communes et intercommunalités de petite taille ?
Ces collectivités ne sont pas équipées pour gérer la règlementation complexe et qui évolue en permanence. Nous accompagnons des communes de 150 habitants par exemple, composées uniquement d’un maire et d’une secrétaire de mairie. On ne peut pas leur demander d’être experts en marchés publics alors qu’ils gèrent seuls le fonctionnement de leur commune. Des formations existent, mais cela n’est pas suffisant en raison de la technicité du sujet. Cela peut être problématique pour eux, car les marchés publics sont source de contentieux. Le risque étant que les entreprises qui candidatent demandent ensuite des comptes. Je constate de plus en plus de recours devant le tribunal administratif, ce qui met ces collectivités en difficulté. La règlementation élaborée au niveau national n’est pas adaptée à leur quotidien, car les règles sont les mêmes quelle que soit la taille de la collectivité, et quels que soient les moyens à sa disposition. Les collectivités de petite taille manquent cruellement de moyens, d’effectifs et de temps et souffrent également d’une insuffisance d’information.
Comment gérer ce décalage entre le quotidien d’une petite commune et la réglementation mise en place par l’État en matière de commande publique ?
Notre rôle au sein de iNord est d’aider aux mieux les communes et intercommunalités quel que soit leur besoin. Je peux être amenée à répondre à une question simple sur un point de règlementation ou à aller plus en détail dans l’accompagnement d’une procédure. L’idée est de travailler dans une optique pédagogique pour qu’elles puissent monter en compétence et mettre en place de bonnes pratiques. On constate également une vraie solidarité entre petites collectivités qui échangent des informations, des conseils, des méthodes de travail. Mais là encore, elles doivent rester prudentes, car cela peut être parfois source d’erreur. Par ailleurs, le relèvement des seuils de procédures pour les marchés publics n’est pas une bonne chose pour ces collectivités, qui gèrent la plupart du temps de petits marchés. Or, l’absence de formalisme augmente le risque juridique. Les procédures formalisées sont un bon moyen de sécuriser l’action de ces collectivités territoriales dans la gestion de leurs marchés publics.