Compétence du juge judiciaire pour les marchés lancés par des SEM
Le Conseil d’État a été amené, dans son arrêt n° 330722 du 11 mars 2011, à statuer sur une opération d'aménagement foncier engagée avant la réforme de la passation des marchés publics opérée par la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.
Les faits sont donc assez anciens. Une convention d'aménagement avait été passée en décembre 2002 entre une communauté d’agglomération et une société d’économie mixte (SEM). L’objet de la convention était double : d’une part, la réalisation d'infrastructures et d'équipements publics et, d'autre part, la réalisation de bâtiments à usage d'habitation et d'autres équipements à usage privatif. Un candidat non retenu à l’appel d’offres a introduit une requête : le tribunal administratif déboute le requérant de l’ensemble de ses demandes, tandis que la cour administrative d’appel annule le jugement du tribunal administratif au motif que les règles du CMP n’ont pas été respectées. La SEM et la communauté d’agglomération forment alors un pourvoi en cassation en arguant du fait que le juge administratif est incompétent, la convention étant régie par le droit privé.
Le Conseil d’État accède à la demande des requérants au motif que l’objet même des relations contractuelles exclut la compétence du juge administratif. Par ailleurs, la convention publique n’avait pas le caractère d'un mandat donné par la personne publique à l'aménageur pour intervenir en son nom. Le contentieux relatif à la passation du marché de maîtrise d'œuvre dans le cadre de l’opération d’aménagement par la SEM, personne morale de droit privé, ne relève pas de la compétence du juge administratif.
Le statut juridique hybride de la SEM a son importance dans cette décision. Dès lors que l’objet de la convention est l’exécution d’un ouvrage, le droit privé aura vocation à s’appliquer. Il est donc logique que le Conseil d'État dans le présent arrêt estime que les relations contractuelles liant la société d'économie mixte au maître d'œuvre, contrat de sous-traitance au sens du droit européen, ne soit régi que par des règles de droit privé relevant de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Néanmoins, il convient de rappeler que pour les procédures engagées depuis la transposition de la directive communautaire 2004/18/CE, la SEM doit être considérée comme un pouvoir adjudicateur. Un arrêt de la CJCE du 18 janvier 2007, Commune de Roanne, va dans ce sens : les contrats que la SEM aura à passer avec ses différents sous-traitants devront donc eux-mêmes respecter le CMP.
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