Associations locales et marchés publics

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La place des associations dans la vie locale est importante : activités culturelles comme sportives sont souvent prises en charge par ces personnes privées à but non lucratif. Or, en prenant en charge des activités qualifiées très souvent d’intérêt général, elles se rapprochent d’une gestion du service public.

Le choix fait par les collectivités locales de soutenir ces associations, voire même d’en créer afin de permettre une gestion plus souple conduit à l’application des règles encadrant l’achat de travaux, fournitures et services permettant l’exécution du service public. L’application des règles de l’achat public aux associations et aux rapports qu’elles entretiennent avec l’administration n’est possible que dans des cas limités (I) et selon deux régimes, dont l'un diffère du Code des marchés publics (II).

I. La soumission des associations aux règles de la commande publique

En principe, les associations ne sont pas soumises aux règles de la commande publique, même si elles remplissent des missions d’intérêt général. L’explication n’est pas à chercher dans un critère organique (ce n’est pas parce qu’elle est de droit privé qu’une association n’est pas soumise aux règles de la commande publique), mais dans un critère matériel : est soumise aux règles de la commande publique toute personne morale qui gère un service public. Or, un service public est, selon la définition de René Chapus, « une activité d’intérêt général assurée ou assumée par l’administration » : c'est le lien entre l'administration et l'association qui impose les règles de la commande publique.Schématiquement, trois cas sont à distinguer.En premier lieu, l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 soumet à des règles particulières de la commande publique les personne morales de droit privé créées spécifiquement pour répondre à un besoin d’intérêt général qui sont soit financées « majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au Code des marchés publics ou l’ordonnance », soit dont « la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur », ou enfin si « l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ».Subventionner largement une association locale, ou désigner un nombre important des membres du bureau de l’association ou simplement avoir un élu municipal ou intercommunal siégeant à ce titre au bureau de l’association suffit à la soumettre aux règles de l’ordonnance de 2005, selon son article 3.En second lieu, dans le cas particulier où l’ensemble des trois conditions prévues par l’ordonnance de 2005 sont cumulées et que l’association a été créée par le pouvoir adjudicateur, le juge administratif la requalifie en « association administrative transparente ». L’association n’est pas considérée comme une personne indépendante : il s’agit seulement d’un service de la personne publique doté de la personnalité morale. Elle est alors soumise aux mêmes règles que la collectivité qui l’a créée… soit au Code des marchés publics ! En revanche, la collectivité qui l’a créée peut recourir aux services de l’association sans respecter les règles de la commande publique, puisqu’il s’agit d’une illustration de l’in house (CE, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, n° 281796 et CE, Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, no 284736).Enfin, si les associations agissent en tant que mandataires d’une collectivité pour passer un marché, elles sont évidemment soumises au Code des marchés publics.Attention toutefois : une association créée, financée et dirigée par un pouvoir adjudicateur pour gérer un service public peut prendre progressivement son indépendance. Tel est le cas pour l’association gérant le Théâtre de la Ville à Paris (CRC Île-de-France, 24 juin 2014, Théâtre de la Ville). Initialement dépendante de la collectivité parisienne, l’association a depuis pris son indépendance notamment grâce à des ressources propres provenant de la billetterie. Une telle ressource fait sortir l’association du cadre de l’in house et impose à la collectivité de passer un marché de service ou une délégation de service public avec cette personne… ou une autre, la publicité et la mise en concurrence s’imposant ! L'association, dont les liens distendus avec la collectivité existent encore, n'est plus soumise au code, mais entre dans le giron de l'ordonnance de 2005.Il existe en effet une dualité des règles à respecter.

II. Les règles à respecter par les associations

Aux trois cas d'application des règles de la commande publique correspondent deux corpus de normes : le Code des marchés publics ou l'ordonnance du 6 juin 2005.Lorsque les associations sont mandataires ou lorsqu'elles sont dans une situation d' in house, elles sont soumises aux règles applicables à cette collectivité. Le Code des marchés publics s’applique alors directement et entièrement. Les seuils, les procédures ouvertes ou fermées, l’allotissement ou encore la distinction entre critères et sous-critères s’applique ! En revanche, pour les associations gérant un service public local sans être rattachées matériellement à la personne publique, l’ordonnance du 6 juin 2005 s’applique. Plus souple et ne régissant que les règles de passation (l’exécution est soumise au droit commun des contrats de droit privé), elle se distingue du code sous trois aspects.L’allotissement n’a ainsi pas cours dans l’ordonnance de 2005. Les associations peuvent conclure un marché global, ce qui leur simplifie la tâche de définition et de découpage du besoin. Cet assouplissement doit prendre en compte, toutefois, le respect des principes fondamentaux de la commande publique et en particulier la liberté d’accès des candidats !Les procédures de publicité et de mise en concurrence sont aussi simplifiées puisque le pouvoir adjudicateur soumis à l’ordonnance de 2005 n’a pas de règles strictes à respecter en deçà des seuils… si ce ne sont, toujours, les principes de la commande publique.Dernier avantage offert aux associations : la sélection des offres n’a pas à être opérée par une commission d’appel d’offres. L’ordonnance comme ses décrets d’application laissent à la personne morale le choix de son prestataire. Le bureau de l’association est seul compétent.Le recours à des procédures particulières, comme le concours, le marché de conception-réalisation ou le dialogue compétitif sont également utilisables par les associations, avec cette même souplesse. Avec trois cas de soumission et deux régimes différents, l’application du droit des marchés publics aux associations locales s’avère délicat. À la souplesse de gestion des associations pour offrir un service public local répondent des risques juridiques et financiers à ne pas négliger. Sources :