Le titulaire a, presque, toujours le droit d’être indemnisé d’une résiliation unilatérale
Il est des cas où la procédure n’est pas qu’une machine à perdre sur des détails. Devant le juge du référé-provision, en matière de résiliation d’un marché pour cause d’intérêt général, la personne publique ne pourra plus se cacher derrière le délai d’envoi d’une demande écrite pour refuser le versement des indemnités. Si l’on change de focale, il apparaît qu’en moins d’une dizaine d’année, les conditions de résiliation d’un marché pour cause d’intérêt général ont été progressivement encadrées pour en exclure tout risque, en préservant la liberté contractuelle.
L’affaire tranchée par le juge d’appel de Bordeaux est classique : une collectivité résilie deux marchés publics de travaux pour cause d’intérêt général. La seule clause prévue dans le marché à cet égard était celle prévue dans le cahier des clauses administratives générales (CCAG-Travaux, art. 46.4). Fort de cette clause, le mandataire des deux groupements titulaires des marchés résiliés demande au pouvoir adjudicateur le versement d’une indemnité de résiliation. Le montant demandé respectait le plafond de 5 % du montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues.
Pour des raisons qui sont les siennes, le mandataire n’a toutefois pas adressé sa demande sous forme écrite au pouvoir adjudicateur, comme cela est prévu par le même article du cahier des clauses administratives générales. Ce dernier refuse, sur ce fondement, de verser l’indemnité au mandataire.
Saisi pour le versement d’une provision, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux donne raison au titulaire, censurant dans le même temps le raisonnement du juge de première instance. Considérant que dans la mesure où l’indemnité de résiliation respectait le plafond de 5 % d’une part et que le pouvoir adjudicateur avait expressément reconnu, dans les décisions de résiliation, le droit des titulaires des marchés résiliés à percevoir de telles indemnités, le juge des référés qualifie la créance des deux groupements de non-contestable. Le pouvoir adjudicateur est condamné à verser la somme demandée par le mandataire.
Par cette décision, le juge administratif permet une lecture plus fine de l’article 46.4 du cahier des clauses administratives générales. Il était déjà connu que les indemnités prévues contractuellement pouvaient être supérieures à 5 % afin de réparer le préjudice intégral du titulaire (CE, 23 mai 1962, n° 4117, Ministre des Finances), mais que ces indemnités ne pouvaient constituer un obstacle à la résiliation unilatérale (CE, 4 mai 2011, n° 334280, Chambre de commerce et d’industrie de Nîmes). Désormais, les pouvoirs adjudicateurs sauront que, sauf exclusion expresse de toute indemnisation (CE, 19 déc. 2012, n° 350341, Société AB Trans), et même en l’absence de demande écrite, le titulaire a droit à une indemnisation plafonnée à 5 % du montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues.
Sources :
- CAA de Bordeaux, 1er septembre 2017, n° 17BX01327, Société Nofrayane
- CE, 19 décembre 2012, n° 350341, Société AB Trans
- CE, 4 mai 2011, n° 334280, Chambre de commerce et d’industrie de Nîmes
- CE, 23 mai 1962, n° 4117, Ministre des Finances
- CCAG-Travaux, art. 46.4