Pragmatisme jurisprudentiel : l’illégalité d’une procédure de PPP n’emporte pas nécessairement résiliation

Par Nicolas Quénard

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Par une décision d’espèce du 5 juillet 2017, néanmoins vouée à être mentionnée aux tables du recueil Lebon grâce à son caractère illustratif, le Conseil d’État, après avoir constaté qu’une procédure de passation d’un contrat de partenariat était entachée d’une irrégularité justifiant son annulation, a toutefois affirmé qu’il ne devait pas être enjoint à la commune de résilier ledit contrat eu égard, tant à la vénialité de l’irrégularité procédurale commise, qu’à l’atteinte à l’intérêt général qu’une telle résiliation emporterait.

Cette décision permet au Conseil d’État d’illustrer sa jurisprudence Société Ophrys tout en précisant son appréciation de la notion « d’absence d’atteinte excessive à l’intérêt général », seconde des deux conditions devant être réunies afin que le juge administratif puisse enjoindre à une collectivité de résilier un contrat administratif, la première étant constituée par l’existence d’une irrégularité substantielle, irrégularisable (CE, 10 déc. 2012, n° 355127, Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Ludon-Macau-Labarde).

Pour mémoire, en l’espèce, par une délibération du 22 avril 2010, le conseil municipal de la commune de la Teste-de-Buch avait décidé de recourir à un contrat de partenariat portant sur le financement, la conception, la réalisation, l’entretien et la maintenance d’un nouvel hôtel de ville. Puis, à l’issue d’une procédure de dialogue compétitif, le conseil municipal avait, par une délibération du 13 septembre 2011, approuvé l’attribution du contrat à la société Auxifip ainsi qu’autorisé le maire à signer ce contrat.

À la suite de ces attribution et signature, un conseiller municipal a obtenu, devant le tribunal administratif de Bordeaux, l’annulation de cette dernière délibération au motif que le recours à la procédure du dialogue compétitif était irrégulier ainsi qu’il soit enjoint à la commune de procéder à la résiliation du contrat litigieux.

La cour administrative d’appel de Bordeaux ayant rejeté l’appel à l’encontre de ce jugement formé par la commune, confirmant ainsi la solution du tribunal administratif qui constatait l’irrégularité du choix de la procédure du dialogue compétitif à défaut pour le projet d’être assez complexe, la commune de la Teste-en-Buch a saisi le Conseil d’État d’un pourvoi.

À cette occasion la commune a principalement argué, d’une part, de la régularité du choix de la procédure du dialogue compétitif et, d’autre part, que, pour un motif d’intérêt général constitué par le fait que l’obligation contractuelle de versement d’une indemnité évaluée à 29 millions d’euros en cas de résiliation du contrat affecterait très sensiblement sa situation financière, il ne pouvait lui être enjoint de résilier le contrat.

D’emblée, il appert que les arguments ayant trait à la régularité du choix du recours au dialogue compétitif n’ont pas porté, le Conseil d’État ayant confirmé, dans la droite lignée d’une jurisprudence administrative très casuistique sur le sujet (CE 30 juill. 2014, n° 363007, Commune de Biarritz ; CAA Bordeaux, 15 sept. 2015, n° 15BX01208, Commune de Bordeaux), la lecture du tribunal administratif et de la cour administrative d’appel de Bordeaux quant à l’absence de complexité du projet qui aurait pu justifier du recours à un dialogue compétitif.

En effet, le Conseil d’État relève que « la construction de l'hôtel de ville, en dépit des objectifs fixés en matière de consommation énergétique et d'impact environnemental, ne présentait pas de complexité technique particulière ni de caractère novateur » puisque « la commune, […] n'était pas dans l'impossibilité de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins ».

Néanmoins, après avoir relevé que « le projet en litige n'était pas d'une complexité telle que la commune pouvait légalement recourir à la procédure du dialogue compétitif », le Conseil d’État, rappelle l’étendue de l’office du juge de l’exécution contractuelle en application de la décision Société Ophrys selon laquelle : « l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement l'annulation de ce contrat ; qu'il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat […] ».

En application de cette jurisprudence de principe, dans ce cas d’espèce, le Conseil d’État fait preuve de pragmatisme en censurant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux pour erreur de qualification juridique, affirmant ainsi qu’il ne pouvait pas être enjoint à la commune de résilier le contrat eu égard tant, d’une part, à la vénialité de l’irrégularité procédurale constatée que, d’autre part, au motif d’intérêt général développé par la commune.

Pour autant, ces arguments ne portent pas toujours, notamment dans le cadre des délégations de service public, lorsqu’il est possible d’amortir le coût lié à la résiliation en poursuivant le service en régie ou par l’entremise d’une nouvelle délégation et que, par ailleurs, le vice doive être qualifié d’irrégularité substantielle irrégularisable.

Au cas d’espèce, il convient de souligner que le Conseil d’État affirme « qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et qu'il n'a d'ailleurs pas été allégué par M.B..., que le choix erroné de la commune de recourir à la procédure du dialogue compétitif plutôt qu'à la procédure de l'appel d'offres ou à une procédure négociée aurait eu pour la collectivité des conséquences défavorables, sur le plan financier ou sur les conditions dans lesquelles il a été répondu aux besoins du service public ».

C’est donc l’absence de conséquence défavorable de l’irrégularité procédurale, couplée aux conséquences néfastes sur les finances de la collectivité qu’une résiliation aurait, qui a poussé le Conseil d’État à refuser d’enjoindre la commune à résilier le contrat de partenariat.

Le Conseil d’État fait ainsi droit aux arguments de la commune de La Teste-en-Buch, en qualifiant « d’atteinte excessive à l’intérêt général » le fait pour une collectivité de devoir verser une somme d’argent conséquente à son cocontractant qui affecterait très sensiblement la situation financière de ladite collectivité.

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