L’établissement du prix dans les marchés publics
Dans tout acte d’achat, le prix est la contrepartie de la réalisation de prestations. C’est pourquoi le Code des marchés publics, en son article 12, alinéa 6, prévoit comme mention obligatoire à indiquer dans le cahier des charges d’un marché public « le prix ou les modalités de sa détermination ». Et, même si le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse n’oblige plus à ce que le pouvoir adjudicateur se fonde uniquement sur le prix, celui-ci est toujours déterminant dans le choix d’un prestataire, surtout en temps de crise économique.
L’établissement du prix, ou plus exactement la détermination dans le cahier des charges de la façon dont le pouvoir adjudicateur compte régler les prestations, doit respecter certaines règles. La première règle à prendre en compte, la nécessité d’un prix, doit être approfondie (I). L’établissement du prix par le pouvoir adjudicateur doit aussi respecter la liberté des prix et de la concurrence (II). Enfin, le choix entre prix unitaires et prix forfaitaires conditionne la philosophie même de l’acte d’achat (III).
I. La nécessité d’un prix
Le prix est un élément permettant de définir un marché public. L’article 1er du Code des marchés publics énonce, plus exactement, le caractère onéreux du contrat de marché public : « Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ».Le terme « onéreux » est plus large que le terme « prix ». Onéreux vient du latin onerosus, qui signifie « charge, fardeau ». Ce qui est onéreux est ce qui coûte même en l’absence de « prix ». Ainsi, la jurisprudence a considéré que l’abandon de recettes publicitaires par l’acheteur public caractérise un marché public (CE, Ass., 4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, n° 247298 ; CE, 10 février 2010, Société Prest’action, n° 301116). Dans ce cas, le montant estimé du marché est évalué à partir du montant des recettes concédées, comme l’indique la cour administrative d’appel de Lyon dans son arrêt du 2 février 2004, Société Michel Charmettan Construction, n° 98LY01271.
II. Le respect de la liberté des prix et de la concurrence
Issue de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, la liberté des prix et de la concurrence est aujourd’hui posée à l’article L. 410-2 du Code de Commerce : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence.Les dispositions des deux premiers alinéas ne font pas obstacle à ce que le gouvernement arrête, par décret en Conseil d'État, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois ».Cette disposition du Code de Commerce s’applique aux collectivités locales, comme l’indique l’article L. 410-1 du Code de commerce : « Les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public. »Si les collectivités locales doivent respecter le principe de la liberté des prix et de la libre concurrence dans l’établissement de leur cahier des charges lors de la passation de leurs marchés publics, elles doivent aussi composer avec certains prix qui sont réglementés par l'État tels les médicaments, les carburants ou les livres.
III. Deux façons d’acheter : la différence entre le prix unitaire et le prix forfaitaire
Le code distingue deux façons radicalement différentes de régler un marché public. Selon la nature des prestations et la politique d’achat poursuivie par le pouvoir adjudicateur, celui-ci devra choisir entre le prix unitaire ou le prix forfaitaire. L’article 17 du Code des marchés publics les définit comme suit : « Les prix des prestations faisant l'objet d'un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées ».La philosophie de l’achat est radicalement différente entre un achat par le biais de prix unitaires et un achat au forfait. L'achat à prix unitaires fait peser un risque de dérapage du coût sur le pouvoir adjudicateur, alors que le risque financier sera porté par le titulaire du marché en cas de prix forfaitaires, ce qui renforcera l’exigence d’un cahier des charges définissant clairement les prestations, l’entreprise ayant intérêt à interpréter de la façon la plus restrictive les obligations mises à sa charge. Les deux formes de prix ont aussi une incidence dans la définition de ce qui constitue contractuellement l’offre financière et, par voie de conséquence, un impact sur la conformité d’une offre dans le cadre d’un appel d’offres, où doit être respecté le principe de l’intangibilité de l’offre. En effet, dans le cas d’un marché à prix forfaitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire a peu d’importance. Ce qui est essentiel, c'est le montant global et forfaitaire, sur lequel s’engage le titulaire et qui correspond au « prix du marché ». En revanche, dans le cas d’un marché à prix unitaires, le montant global du marché est un montant estimatif et non contractuel. Ce qui constitue le « prix du marché », contractuellement parlant, c'est chacun des prix unitaires du bordereau qui seront à rapprocher des quantités réellement exécutées. Cela quand bien même l’article 118 du Code des marchés publics prévoit, à l’encontre de la logique contractuelle présidant à la différence entre un marché à prix unitaires et un marchés à prix forfaitaires, que : « Dans le cas particulier où le montant des prestations exécutées atteint le montant prévu par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée, que les prix indiqués au marché soient forfaitaires ou unitaires, à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur. »Sources :