La résiliation sans faute et pour motif d’intérêt général justifie la compensation du manque à gagner du prestataire
Dans un arrêt Société Galineau du 26 mars 2018, le Conseil d'État précise les conditions d'indemnisation d'une entreprise chargée de prestations similaires dans deux marchés successivement résiliés. Le conseil d'État rétablit ainsi l’équité en cassant les décisions de TA et CAA lui ayant refusé une légitime indemnisation.
Le port autonome de Nouvelle-Calédonie (PANC) avait attribué à un groupement conjoint, dont la société Balineau était membre, un marché de travaux portant sur le prolongement du grand quai du port de Nouméa. Suite à la défection de deux des cotraitants, le PANC signifie à ladite Société la résiliation de sa part de marché. S’estimant lésée et nullement défaillante, celle-ci actionne le TA de Nouméa mais qui la déboutera (arrêts des 3 avril 2014 et 19 février 2015).
Or, dans l’intervalle de ces décisions, le PANC avait conclu un second marché le 23 juin 2014, la requérante s’y voyant confier, cette fois en qualité de sous-traitante, des prestations pour l’essentiel identiques à celles qui lui avaient été initialement dévolues.
Saisie en seconde instance, la CAA confirme le 29 avril 2016 le principe selon lequel la requérante ne pouvait se prévaloir d’une perte de bénéfices s’agissant de prestations dont elle serait logiquement amenée à recouvrir l’avantage dans le cadre de l’exécution de ce second contrat – un prestataire ne pouvant requérir à la fois le dédommagement de son manque à gagner au titre d’un premier marché résilié et parallèlement, la rémunération de prestations similaires dans le cadre d’un second marché auquel elle est partie.
Néanmoins, le Conseil d’État rejette cette argumentation en restituant la question de droit dans le contexte des opérations.
La CAA avait en effet acté dans son arrêt que le second marché, avant même qu’elle ne soit saisie de l’affaire, avait également été résilié, ce qui induisait que la Société Galineau n’aurait de toute façon pas l’occasion de réaliser les prestations en jeu. Partant d’une prospective assez douteuse, elle en déduisait que le préjudice n’était pas allégué, eu égard à la possibilité pour le PANC de relancer une troisième consultation à laquelle la requérante pourrait prendre part.
Cette circonstance relevant d’une analyse erronée de la chronologie des évènements est ainsi censurée, la CAA ne pouvant préjuger des suites que le PANC réservera à son opération.
Accessoirement, cet arrêt nous donne l’occasion de (re)découvrir certaines particularités des procédures marchés « insulaires » (au sens vertueux du terme !) issues en l’occurrence d’une délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie n° 136/CP du 1er mars 1967, permettant par exemple à l’acheteur public d’attribuer un marché unique à une même entreprise lors d’une consultation allotie, voire encore de résilier « partiellement » et par ordre de service une part du marché attribuée globalement à un groupement, pourtant son cocontractant unique.
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