Procédure de contestation du décompte général : précision sur la « saisine du juge compétent » au sens du CCAG-Travaux
La procédure d’élaboration et de contestation du décompte général du marché est parsemée d’embuches et réserve encore de trop nombreuses surprises à ceux qui (tant du côté des acheteurs que des titulaires) n’en connaissent pas les innombrables subtilités. Et elle ne cesse d’appeler des précisions puisque le Conseil d’État a une nouvelle fois eu l’occasion d’apporter un éclairage quant aux conditions dans lesquelles le titulaire peut porter ses réclamations devant le juge.
Pour rappel, la contestation du décompte général s’articule autour de 3 grandes étapes (art. 50.1 à 50.3 du CCAG Travaux) :
- le titulaire transmet son mémoire en réclamation dans les 45 jours suivant la notification du décompte général qui lui a été faite ;
- la personne publique dispose d’un délai de 45 jours suivant la réception de ce mémoire pour prendre une décision d’acceptation ou de rejet (le silence valant rejet) ;
- en cas de rejet, le titulaire dispose alors d’un délai de six mois à compter de la décision de la personne publique pour « porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent », étant précisé que passé ce délai, le titulaire est « considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable » (art. 50.3.3).
Ainsi, et exception faite de la saisine d’un comité consultatif de règlement amiable, qui est assortie d’un effet suspensif (art. 50.4.1), le délai de six mois est intangible et ne peut être interrompu ou suspendu par aucune autre diligence ou action de la part du titulaire, telle que, par exemple, l’envoi d’un mémoire de réclamation complémentaire (CE, avis, Sect., 22 févr. 2002, no 240128, Société Reithler ; CE, 29 déc. 2008, no 296948, M. Bondroit). De même, le Conseil d’État a jugé que la saisine du juge des référés aux fins d’ordonner une mesure d’expertise n’a pas d’effet suspensif et que ledit juge ne pouvait être considéré comme un « tribunal administratif compétent » au sens du CCAG (CE, 18 sept. 2015, no 384523, Société Avena BTP).
En revanche dans l’affaire ici commentée (qui opposait, dans le cadre de la construction d’un centre hospitalier, le maître d’ouvrage délégué et le titulaire de l’un des lots du marché), le Conseil d’État précise que la saisine du juge du référé-provision sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative vaut « saisine du juge compétent » au sens du CCAG. Il censure ainsi pour erreur de droit la Cour administrative d’appel de Paris qui avait estimé que le recours au fond introduit par le titulaire devant le juge du contrat était tardif car postérieur au délai de six mois, indépendamment de la circonstance selon laquelle il avait au préalable saisi le juge du référé provision dans ce délai.
Si elle a été rendue à propos d’un litige dans lequel était applicable le « cahier des clauses administratives générales concernant les marchés publics passés au nom du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics », la solution n’en reste pas moins très logiquement transposable au CCAG-Travaux approuvé par l’arrêté du 8 septembre 2009, les deux cahiers étant rédigés en des termes similaires.
Une clarification bienvenue, donc, dans une matière où le contentieux ne tarit pas.
Sources :
- CE, 27 janvier 2017, no 396404, Société Tahitienne de Construction (STAC)
- CE, 18 sept. 2015, no 384523, Société Avena BTP
- CCAG-Travaux du 8 septembre 2009, art. 50.1 à 50.3