L'obligation de conseil devient plus stricte pour les maîtres d’œuvre
Que signifie l'obligation de conseil pour un maître d’œuvre ? Dans quelles mesures sa responsabilité contractuelle peut-elle être engagée en cas de manquement à ce devoir ? Le Conseil d'État vient d'apporter plusieurs éléments de réponse dans un arrêt du 28 janvier. Il rappelle ainsi aux sociétés intervenant sur des chantiers publics qu'elles ont aussi un devoir d'information du maître d’ouvrage en cas de problème au cours des travaux.
Dans cet arrêt, n° 330693, le Conseil d'État a estimé que « la responsabilité des maîtres d’œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ».
Petit rappel du contexte. Le syndicat intercommunal d'études et de programmation pour l'aménagement de la région grenobloise a passé avec un groupement solidaire de maîtrise d’œuvre, composé de cinq sociétés, un marché pour la réalisation d'un parcours de golf. La réception des travaux a été prononcée le 28 juin 1990, mais des « désordres » sont apparus en 1995 sur la surface du parcours et dans le réseau d'irrigation.
En 2009, la cour administrative d'appel de Lyon a condamné les participants au groupement solidaire à verser près de 900 000 € à la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes-Métropole, « au titre du manquement à leur obligation de conseil ». Une décision qu'a donc confirmée le Conseil d'État, dans son arrêt du 28 janvier.
Que signifie cette décision ? Elle définit de manière plus stricte l'obligation de conseil incombant au maître d’œuvre. Le Conseil d’État estime en effet qu'il y a défaut de conseil, et ce, même si les défaillances du chantier ne sont plus visibles lors de la livraison des travaux. Dès lors que le maître d’œuvre a eu connaissance des désordres pendant les travaux, sa responsabilité est engagée s'il n'avertit pas le maître d'ouvrage. Et il se trouve alors contraint d'indemniser le maître d'ouvrage.
Il faut rappeler que l'obligation de conseil n'est pas définie par un texte de loi, mais par une succession de décisions de jurisprudence. Issue des principes de droit civil, elle concerne, de manière générale, tout professionnel et trouve un terrain d’application dans le cadre des marchés publics. Le cahier des clauses administratives applicables aux prestations intellectuelles mentionne le devoir de « conseils techniques » du titulaire (CCAG-PI, art. A.25.3 et B.25.2). En matière de maîtrise d’œuvre, le devoir de conseil porte aussi bien sur les risques du sol, les matériaux, la conception des ouvrages, les défauts de sécurité, etc.
Mais jusque-là, le maître d'œuvre était sanctionné lorsque les défaillances du chantier étaient visibles lors de la réception des travaux. Cet arrêt du Conseil d'État intervient donc comme un avertissement en direction des maîtres d'œuvre. Désormais, il faudra être prudent et assurer une information rigoureuse concernant l'évolution d'un chantier. Sous peine de se voir sanctionner par le juge administratif.
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