Marchés ou AOT ? Les pièges à éviter !

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Après avoir brièvement rappelé la distinction entre les marchés publics et les autorisations d’occupation temporaire du domaine public (AOT) dans la Lettre Légibase Marchés publics n° 138, nous allons poursuivre notre étude en nous concentrant plus précisément sur la corrélation entre ces deux notions.

À l’origine, l’une des finalités des montages complexes associant partenaires publics et privés, dont les AOT, était de pallier la rigidité des règles issues du Code des marchés publics. Toutefois, on constate, en pratique, que le risque de requalification des autorisations d’occupation temporaire en marchés publics n’est pas négligeable.

Il convient tout d’abord de se rafraîchir la mémoire en rappelant la définition de ces deux contrats alternatifs (I) puis on envisagera les risques de requalification desdits contrats (II).

I.  Les marchés publics et les AOT : Des contrats alternatifs

Les marchés publics ne doivent pas être confondus avec les AOT dans la mesure où ils relèvent de régimes juridiques distincts.En effet, les marchés publics sont définis à l’article 1er du Code des marchés publics. Ce sont des contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. L’objet du marché, c’est-à-dire le besoin de la personne publique, est un élément fondamental qui doit être défini avec précision.Les AOT sont quant à elles définies aux articles L. 1311-5 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d'occupation temporaire constitutives de droits réels. Le titulaire de ce titre possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice de cette activité. Ce droit lui confère les mêmes prérogatives et obligations qu’un propriétaire tout en respectant le principe d’incessibilité du domaine public. Pour éviter toute cession déguisée, l’autorisation est délivrée pour une durée déterminée, sans pouvoir excéder 70 ans, et est révocable.Il convient également de préciser que le recours aux AOT est conditionné pour les collectivités territoriales. Elles ne peuvent y recourir qu’en vue de l’accomplissement, pour leur compte, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de leur compétence.Au vu de ces définitions, on constate aisément les caractéristiques propres à chacun de ces montages.D’une part, l’objet du contrat. Dans le cadre des marchés publics, la finalité est la satisfaction du besoin du pouvoir adjudicateur alors qu’en présence d’une AOT, il s’agit d’autoriser l’occupation du domaine public pour l’accomplissement d’une mission de service public ou la réalisation d’une opération d’intérêt général.D’autre part, dans le cadre d’un marché public, les prestations doivent être effectuées en contrepartie d’un prix. A contrario, une redevance doit être versée à la collectivité territoriale en vertu du principe général de non gratuité pour les AOT.De même, il est possible de délivrer une AOT sans publicité ni mise en concurrence préalables contrairement à la procédure applicable en matière de marchés publics (Rép. min. n° 97086, JOAN, 24 oct. 2006). Cette règle a également été rappelée pour les AOT assortis de travaux (CE, 10 mars 2006, Société Unibail Management, n° 284802).Enfin, le contrôle opéré diffère selon le montage. En marché public, le pouvoir adjudicateur pilote l’opération contrairement à l’AOT, où ce rôle est attribué au titulaire de l’autorisation.Ainsi, l'AOT constitutive de droits réels permet la réalisation d'équipements sur le domaine public par le biais d’un partenariat public-privé dérogatoire aux règles du Code des marchés publics.Toutefois, il convient d’être vigilant aux risques de requalification des autorisations d’occupation temporaire en marchés publics, ce que nous allons envisager dans un second temps.

II.  Les marchés publics et les AOT : Un risque de requalification non négligeable

Malgré les définitions des marchés publics et des AOT rappelées ci-dessus, la frontière entre ces deux notions peut paraître ténue et source de nombreuses interrogations et confusions lors du choix du montage.Aussi est-il important de s’attarder sur l’objet principal du contrat. À titre d’exemple, si une collectivité territoriale demande au futur occupant la réalisation de travaux, elle exprime alors un besoin. Dans cette hypothèse, la convention d’AOT a le même objet qu’un marché public. Elle est donc susceptible d’être requalifiée par le juge en marchés publics et ainsi être soumise au Code des marchés publics.Cela est notamment rappelé par la direction des Affaires juridiques de Bercy : « Si l’objet principal d’un contrat n’est pas d’occuper le domaine public pour l’exercice d’une mission de service public ou une opération d’intérêt général, mais de satisfaire un besoin de la personne publique et qu’il comporte un caractère onéreux, le juge pourra le requalifier en marché public soumis à des règles de publicité et de mise en concurrence ».Par ailleurs, les collectivités territoriales ont la possibilité de recourir à des montages « aller-retour ». Elles peuvent ainsi délivrer une AOT constitutive de droits réels couplée à une convention de location en retour à la collectivité en vue de l’exécution de ses missions de service public. Or, ce mécanisme est susceptible d’être qualifié de marché public au sens du droit européen.Au vu de ces divers éléments, on constate, encore une fois, que la distinction entre ces deux montages contractuels est délicate.Prenant acte de ce risque de confusion et, par ricochet, du risque de  requalification, l’ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics vise à clarifier et simplifier le cadre actuel des partenariats public-privé. À compter du 1er avril 2016 au plus tard, il ne sera plus possible de recourir aux montages « aller-retour ». Selon la fiche d’impact relative au projet d’ordonnance, « cette rationalisation permettra de recentrer les contrats […] AOT sur leur vocation d’origine, c’est-à-dire les relations entre l’occupant du domaine public et la collectivité propriétaire. Le risque de requalification de ces contrats sera ainsi réduit».Au vu de l’actualité juridique, la relation entre les marchés publics et les AOT va subir de nombreuses modifications dans les prochains mois. Affaire à suivre !Sources :