Marchés publics de restauration scolaire : les pièges à éviter
Les communes de toutes tailles possèdent et gèrent les services des plus de 50 000 écoles maternelles et primaires, dont les cantines scolaires. Ces éléments forts du service au public voire du service public sont soumis à des règles drastiques, notamment en matière d’achat. La première distinction à opérer, et la première décision à prendre, portent sur le mode de gestion de la cantine scolaire (I). De ces distinctions découlent le droit applicable, plus ou moins lourd à mettre en œuvre (II).
I. Le choix du mode de gestion de la cantine scolaire
Le choix du mode de gestion de la cantine scolaire se pose avec acuité, tant pour des motifs de qualité du service que de prix, en passant bien sûr par la capacité de contrôle.Le mode de gestion le plus répandu est une des formes de délégation du service public, l’affermage, qui permet de déléguer la gestion d’un service à une personne privée, charge à celle-ci de collecter les redevances des usagers, à ses propres risques, et de verser une redevance à la personne publique concédante pour utilisation de ses infrastructures. Dans un tel cas, qui n’est pas un marché public et dont le concédant n’est pas soumis à un marché public, es avantages paraissent évident : une fois attribuée, la délégation de service public permet de soulager la personne publique des charges afférentes à la gestion d’un tel service. Reste que le prix demandé aux usagers est souvent élevé et surtout difficilement contrôlable, tout comme la qualité.Deux autres modes de gestion sont également disponibles : la semi-régie et la régie, qui mettent en œuvre des marchés publics.La « semi-régie » n’est pas une qualification juridique propre. Il s’agit de confier la gestion du service de restauration scolaire à une personne privée par la voie d’un marché public de service, possiblement alloti pour prendre en considération plusieurs prestations : transformation des matières premières et préparations des repas, livraison, diététique et élaboration des menus, contrôle de l’hygiène, sécurité, ainsi qu’éventuellement la perception du prix des repas et la comptabilité.La régie, à ne pas confondre avec la régie intéressée, est le mode de gestion qui correspond à la plus grande intégration. Le service de restauration scolaire est directement contrôlé par la personne publique compétente (commune, communauté ou syndicat, ou encore caisse des écoles) ; ce sont, par exemple, ses agents qui préparent les repas, servent et desservent les tables ou encore assure l’accueil et l’animation de la cantine. Dans ce cadre, puisque la « maîtrise d’œuvre » est opérée par la personne publique, il lui revient de passer les marchés publics nécessaires à l’approvisionnement, mais aussi aux prestations annexes éventuelles (diététique, hygiène…). Les marchés sont ainsi des marchés de fournitures essentiellement à dimensionner selon les besoins et la capacité technique de la personne publique.
II. La gestion en régie et semi-régie, une simplicité porteuse de risques
En choisissant de passer des marchés publics, la personne publique gagne une large capacité de contrôle lors de l’exécution de la prestation tout en faisant peser une charge de responsabilités supplémentaires. Pour acheter des prestations en lien avec le service de restauration scolaire, outre les précautions d’usage pour les marchés publics (allotissement, publicité et clarté des critères et sous-critères, etc.), plusieurs points délicats doivent faire l’objet d’une attention particulière.En premier lieu, le marché public doit permettre de sélectionner les offres qui répondent aux règles nutritionnelles imposées par les articles D. 230-24-1 et suivants du Code rural et de la pêche notamment. Ainsi, par exemple, pour la restauration des enfants de moins de 6 ans, le pouvoir adjudicateur devra veiller à ce que les critères « qualité » de sélection des offres permettent de choisir celles qui traduisent des exigences minimales de variété des plats servis, la mise à disposition de portions de taille adaptée à l'âge de l'enfant ainsi que la prise en compte de besoins particuliers propres à l'alimentation infantile. Autre exemple, dans tous les marchés, de services comme de fournitures, une clause permettant de respecter l’article D. 230-30 du Code rural et de la pêche doit être insérée, puisque cet article impose que « les gestionnaires des services de restauration […] tiennent à jour un registre dans lequel sont conservés, sur les trois derniers mois, les documents attestant de la composition des repas, notamment les menus et les fiches techniques descriptives des produits alimentaires achetés auprès des fournisseurs. / Ils sont tenus d'identifier distinctement, sur les menus, les produits de saison entrant dans la composition des repas. »En amont de la préparation, et quel que soit le mode de gestion choisi, un autre point à prendre en considération est l’approvisionnement des produits (en particulier les produits frais). Le relèvement du seuil à 25 000 € HT sous lequel les acheteurs n’ont pas à se soumettre aux règles de publicité et de mise en concurrence, conçu comme une des réponses à la crise agricole de l’été 2015, a mis en lumière les efforts demandés par l’État aux collectivités pour acheter des produits.Ce faisant, le pouvoir réglementaire met aussi en évidence la souplesse du mode de gestion en régie. Les personnes publiques qui gèrent en direct le service de restauration scolaire peuvent décider de passer sans procédure de publicité ni de mise en concurrence des marchés de fourniture auprès de prestataires locaux, hors procédures de circuit courts, sous ce seuil. Rappelons toutefois que la méthode de calcul de la valeur estimée des marchés publics retient une valeur qui correspond aux besoins d’une année, donc correspondant aux besoins pour une année scolaire, pour les marchés d’une durée inférieure à un an (CMP, art. 27). Il est donc très facile de passer au dessus du seuil !La définition du prix est également particulière en matière de restauration puisqu’elle concerne des produits frais. Il est ainsi conseillé de recourir à une formule de prix révisable et non de prix ferme, sauf dans les cas d’achats pour des évènements ponctuels. Comme le remarque la direction des Affaires juridiques de Bercy, « un rythme annuel de révision ou un marché d’un an à prix ferme ne permettent pas de prendre en compte les aléas auxquels ce secteur est exposé et qui sont particulièrement observés depuis 2008, tant à la hausse qu’à la baisse. » Les prix des marchés peuvent ainsi être révisés à des fréquences très rapprochées. Pour les produits frais en particulier (marée, fruits et légumes), une révision hebdomadaire, avec une date optimale de révision entre le mercredi et le jeudi par exemple.Il est également possible, depuis l’accord interprofessionnel du 21 mai 2014 qui a abouti à l’article 122 §1 de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, de bénéficier de rabais sur les produits non conformes à la commande pour les produits frais, à l’exception de la banane et de la pomme de terre. Reste interdit toutefois par l’article L. 441-2-2 du code de commerce toute réfaction tarifaire à l’achat de fruits et légumes frais, lorsque cette réduction de prix est purement commerciale.Dernière particularité sensible des marchés touchant à la restauration scolaire : la sécurité des enfants. Les affaires récentes de pédophilie mettant en cause le manque de coordination entre le ministère de la Justice et celui de l’Éducation nationale imposent certains critères de sélection des offres. Si les capacités des candidats sont examinées, le juge a rappelé récemment la liberté des pouvoirs adjudicateurs pour déterminer les critères de sélection des offres dans la mesure où cela est « rendu objectivement nécessaire par l'objet du marché » (CE, 18 sep. 2015, Société Axcess, no 380821). En d’autres termes, le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats de fournir les extraits de casier judiciaire de leurs employés qui interviendront pour la prestation de restauration scolaire.Service public facultatif mais aux conséquences majeures, la restauration scolaire nécessite une attention particulière pour contrôler au mieux la qualité, la sécurité et le prix de la prestation.Sources :
- Code rural et de la pêche, art. D. 230-24-1 et suivants
- « L’indexation des prix dans les marches publics d’achats de denrées alimentaires », DAJ et OEAP, mars 2015
- C. com., L. 441-2-1 et L. 441-2-2
- CE, 18 sept. 2015, Société Axcess, no 380821
Lire également :
- « Les marchés publics "Made in France" », La lettre légibase marchés publics no 72, 13 déc. 2012