Compétence du juge administratif pour les contrats privés participant à l’exécution d’un marché de travaux publics

Par Nicolas Quénard

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Par un arrêt en date du 31 janvier 2018, la Cour de cassation reconnaît la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges en matière de paiement direct du sous-traitant d’un sous-traitant d’un marché de travaux public en se ralliant officiellement à la position du Tribunal des conflits. Ce faisant, la Cour de cassation souligne que la participation à un marché de travaux publics prime pour retenir la compétence du juge administratif même lorsque le contrat litigieux relève du droit privé. Signe de l’importance de ce ralliement, la décision commentée sera publiée au bulletin de la Cour de cassation.

En l’espèce, un groupement d’entreprises attributaire d’un marché public de travaux a sous-traité une partie desdits travaux à une entreprise, dite sous-traitante de rang 1, qui a également fait appel à un sous-traitant, dit de rang 2, afin de procéder au transport de certains matériaux. À cette occasion, les deux sociétés sous-traitantes de rang 1 et de rang 2 ont conclu un contrat privé de transport de marchandises dit de « lettre de voiture », devant entraîner la compétence des juridictions judiciaires en cas de litige.

À la suite du placement en liquidation judiciaire du sous-traitant de rang 1, le voiturier, sous-traitant de rang 2, a saisi les juridictions judiciaires sur le fondement de l’article L. 132-8 du Code de commerce pour obtenir la condamnation de la commune au paiement direct de sa prestation de transport.

Les premiers juges ayant reconnu la compétence de la juridiction judiciaire sur le fondement de l’existence du contrat de lettre de voiture, la Cour de cassation affirme qu’afin de déterminer la compétence juridictionnelle, il appartient aux juges du fond de rechercher « si le contrat de transport litigieux avait pour objet l'exécution de travaux publics et revêtait, par suite, un caractère administratif, de sorte que l'action directe exercée par le voiturier ressortissait à la juridiction administrative ». À défaut pour ces derniers d’avoir procédé à cette recherche, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond.

Bien que la Cour renvoie les parties devant un nouveau tribunal d’instance, il appert que cette décision constitue un alignement avec la jurisprudence du Tribunal des conflits qui, par une décision du 19 novembre 2012, a considéré qu’un litige relatif au paiement direct de prestations de transport effectuées par un sous-traitant en vertu d’un contrat de lettre de voiture relevait du juge administratif lorsque lesdites prestations ont été réalisées en vue de l’exécution d’un marché public.

Dans des hypothèses similaires, il conviendra donc pour les entreprises sous-traitantes de s’interroger sur la compétence juridictionnelle et de choisir la juridiction administrative lorsque les prestations réalisées le sont en vue de l’exécution d’un marché de travaux publics. Concernant les personnes publiques, il s’agira de faire valoir leur exception juridictionnelle lorsqu’elles sont assignées à tort devant une juridiction civile ou commerciale.

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